Fado Vitória. 3. Igreja de Santo Estêvão
Voir aussi :
- Fado Vitória. 1. Joaquim Campos, Camané, Maria Alice
- Fado Vitória. 2. Maria Teresa de Noronha, José Porfírio
- Fado Vitória. 4. Povo que lavas no rio (Amália) [1ère partie]
- Fado Vitória. 5. Povo que lavas no rio (Amália) [2e partie]
- Fado Vitória. 6. D’autres Povo que lavas no rio
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Igreja de Santo Estêvão (« Église Saint-Étienne ») est l’un des emplois les plus connus de la musique du Fado Vitória de Joaquim Campos.
Bien qu’il n’en soit pas le créateur, ce fado est resté associé au nom de Fernando Maurício (1933-2003), un fadiste authentiquement populaire qui a ses admirateurs. Pour eux il est o Rei, « le Roi ». Né en plein cœur de la Mouraria, l’un des anciens quartiers maures de Lisbonne, et même dans la Rua do Capelão (rue du Chapelain), celle-là même où la légendaire Maria Severa (1820-1846) avait vu le jour, il chantait déjà à l’âge de huit ans. On apprécie généralement son timbre plein et son style de chant très lyrique.
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Fernando Maurício (1933-2003) • Igreja de Santo Estêvão. Gabriel de Oliveira, paroles ; Joaquim Campos, musique (Fado Vitória).
Fernando Maurício, chant ; João Alberto & Manuel Mendes, guitare portugaise ; Eduardo César, guitare ; Raul Silva, basse acoustique. Enregistrement : Lisbonne, Estúdio Musicorde, années 1960.
Portugal, [196?].
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Na igreja de Santo Estêvão
Junto ao cruzeiro do adro
Houve em tempos guitarradas
Não há pincéis que descrevam
Aquele soberbo quadro
Dessas noites bem passadas
À Saint-Étienne autrefois,
Près du crucifix du parvis
Se tenaient des « guitarradas ».
Aucun pinceau ne peut rendre
Le superbe tableau
De ces nuits si palpitantes.
Mal que batiam trindades
Reunia a fadistagem
No adro da santa Igreja
Fadistas, quantas saudades
Da velha camaradagem
Que já não há quem a veja
À peine l’angélus sonné,
Se rassemblait la compagnie
Sur le parvis de l’église.
Fadistes, quelle nostalgie
De cette ancienne camaraderie
Qui aujourd’hui a disparu !
Santo Estêvão, padroeiro
Desse recanto de Alfama
Faz o milagre sagrado
Que voltem ao teu cruzeiro
Esses fadistas de fama
Que sabem cantar o fado
Saint Étienne, saint patron
De ce petit coin d’Alfama,
Accomplis le miracle sacré :
Que reviennent sur ton parvis
Tous ces fadistes de renom
Qui savent chanter le fado !
Gabriel de Oliveira (1891-1953). Igreja de Santo Estêvão (19??).
Gabriel de Oliveira (1891-1953). Église Saint-Étienne, trad. par L. & L. de Igreja de Santo Estêvão (19??).
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On peut penser que Fernando Maurício a entendu Povo que lavas no rio, qu’Amália chantait depuis le début des années 1960 sur ce même Fado Vitória. Elle y mettait tout le poids et le sentiment dramatique requis par le poème de Pedro Homem de Mello qu’elle avait choisi. Les vers de Gabriel de Oliveira, que chante Maurício, ne composent au fond qu’une scène de genre et n’ont pas besoin d’un engagement aussi intense. Par ailleurs, pour un fadiste de Lisbonne, Fernando Maurício n’est pas un champion de l’agilité vocale, de sorte que les mélismes qu’il exécute sur le dernier vers (Que sabem cantar o fado) sont un peu laborieux.
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À suivre.
Trackbacks
- Fado Vitória. 2. Maria Teresa de Noronha, José Porfírio | Je pleure sans raison que je pourrais vous dire
- Fado Vitória. 1. Joaquim Campos, Camané, Maria Alice | Je pleure sans raison que je pourrais vous dire
- Fado Vitória. 4. Povo que lavas no rio (Amália) [1ère partie] | Je pleure sans raison que je pourrais vous dire
Je suis heureux de vous voir consacrer un article à Fernando Mauricio, alors même que vous dites ne pas l’apprécier. Dans une série consacrée au Fado Vitória, il eût en effet été dommage de ne pas au moins l’évoquer.
Qu’on aime ou pas, son style de chant a marqué toute une génération de fadistes, notamment chez les hommes. Il a encore beaucoup d’imitateurs dans les tavernes de Lisbonne, et fut comme vous le savez le mentor de Ricardo Ribeiro.
Je suis d’accord avec vous sur son relatif manque d’agilité vocale. Il me paraît toutefois qu’il a aussi apporté au fado masculin certaines innovations techniques, comme un « vibrato de larynx » très prononcé (dont beaucoup abusent aujourd’hui) et les passages pianissimi en voix de tête, peut-être empruntés à Coimbra.
Merci beaucoup en tout cas pour cette passionnante série de billets.
Merci pour votre commentaire, je l’attendais avec gourmandise 🙂 Je me doutais bien que FM devait vous plaire.
Quant à moi, ce n’est pas que je ne l’aime pas ; je l’écoute parfois avec plaisir, même s’il se situe sur un versant du fado qui n’est pas celui que je préfère.
En revanche, le fait est que je n’aime pas beaucoup ce qu’il a fait de Igreja de Santo Estêvão, probablement par défaut de lecture du texte et d’évaluation de sa portée réelle. Péché d’orgueil peut-être — comme ces mélismes qu’il n’arrive pas à bien exécuter et sur lesquels il insiste pourtant.
Merci encore.
En réalité vous me coupez l’herbe sous le pied, et pour le mieux : je pensais que le prochain billet de la série serait consacré au « Povo… » d’Amália, et m’apprêtais déjà à rappeler l’existence de l’interprétation de Mauricio en commentaire !
Pour ma part en effet, j’aime bien FM, mais il ne fait pas partie de mon panthéon personnel de fadistes. Je lui préfère son successeur Ribeiro, ou, dans la même veine lyrique, Farinha. En revanche j’aime beaucoup ce ton de fado populaire qu’il incarne, toujours bien vivant parmi l’arrière-garde fadiste, et dont j’ignorais tout avant d’arriver à Lisbonne.
On peut certes trouver qu’il en fait trop par rapport au texte, mais au moins y a-t-il du vécu dans son interprétation : une vidéo sur Youtube le montre justement à chanter sur le largo de Santo Estevão en compagnie d’autres fadistes, vers la fin des années 70.