Amália Rodrigues | Lua luar (Bobino 1960)
Vous vous tenez dans la coulisse à présent, tout près du plateau, invisible encore de la salle, protégée par une pénombre propice au recueillement. Minutes d’une densité astronomique, hors du temps des autres. L’écoulement de la durée a soudain changé, pour vous seule. Le temps s’est presque solidifié, il est devenu impossible à mesurer, ou relevant d’unités de mesure qui n’ont cours que dans ces moments inconcevables.
Vous êtes désormais retirée en vous-même.
On vous parle, vous n’entendez pas qu’on vous parle.
Vous n’avez plus la conscience de rien d’autre que de votre cœur qui frappe au-dedans, du sang qui cogne aux tempes, de la chanson du Sertão qui est la première du programme, Lua luar, seulement celle-là (Lua luar, vai dizer ao meu amor p’ra vir cá ô luar, se souvenir de ça, le reste viendra), de la robe de scène de soie noire, de la scène que vous savez toute proche mais que vous ne regardez pas encore, et du public au-delà de la rampe, comme un animal tapi respirant dans le noir, et aussi comme un gouffre vivant, et aussi comme un dieu d’humeur changeante, dont vous sentez le souffle avec une acuité à la fois exaltante et presque douloureuse
Accompagnée par Domingôsse Camarinia et Santôsse Moréra, voici Amalia Rodriguèze
Vous faites un signe de croix, comme une Sicilienne. Presque morte, vous pénétrez dans la fournaise.
Amália Rodrigues | Lua luar / parolier et compositeur non identifiés ; Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Santos Moreira, guitare classique. Captation : Paris, Bobino, 22 février 1960.
Extrait de : Paris 1960, 1ère publication : France, Ducretet-Thomson, 1960. 1 disque 33 t. Ducretet-Thomson 310 V 026. Réédité en format CD sous divers titres.
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