Aller au contenu principal

Au subjonctif la vie serait plus belle

28 mars 2015

Pourquoi avons-nous cessé d’employer l’imparfait du subjonctif ? Quelle perte ! Quel reniement de soi-même ! Il n’y a pas à s’étonner dès lors que la boue la plus infecte s’amoncelle dans les urnes les dimanches.

Les Portugais, qui ont inventé et qui pratiquent la langue la plus touristique du monde, ne se sont jamais laissés aller à pareille simplification. Qu’ils soient techniciens de surface, trapézistes, pompiers, aventurières ou ministres de la culture, ils manient l’imparfait du subjonctif avec un grand naturel, même dans les circonstances les plus ordinaires. « Tu aimerais que je chantasse sur un autre ton, que je te peignisse le monde d’une autre couleur, que je déposasse à tes pieds un monde bon, et que je te jurasse un éternel amour », soit en v.o. : « Preferias que cantasse noutro tom, que te pintasse o mundo de outra cor, que te pusesse aos pés um mundo bom, que te jurasse amor, o eterno amor », c’est ainsi qu’on s’exprime au Portugal.

La preuve :

Rádio Macau | Cantiga d’amor. Pedro Malaquias, paroles ; Flak (João Pires de Campos), musique ; Rádio Macau, groupe instrumental et vocal.
Vidéo : José Nascimento, réalisateur. Bande son extraite de l’album 8 [Oito] (2008).

On dit :

« Tu voudrais que je dérobasse à la Grande Ourse son éclat pour en illuminer tes yeux, que je te berçasse amoureusement dans les vagues, et que je t’emmenasse danser sur la lune. », soit en v.o. :

« Querias que roubasse ao sete estrelo à luz que te iluminasse o olhar, embalar-te nas ondas com desvelo, levar-te até à lua para dançar »

Quel chic ! Sans rien dire de l’admirable subjonctif futur, une subtilité qui nous est inaccessible à jamais. Nous en sommes réduits à le rendre en français par un imparfait de l’indicatif des plus frustes : « Se quiseres », « Si tu voulais », voire par un présent : « Se preferires », « Si tu préfères », ou par des périphrases pesantes : « O que disseres » : « Ce que tu pourrais dire » (ce que tu diras peut-être).

« Que a lua está longe e mesmo assim, dançar podemos sempre se quiseres. Ou então se preferires fica aí, que ninguém há-de saber o que disseres. »

Voilà une langue économique (autant qu’elle est musicale).

« Mais elle est loin la lune et quand bien même, on peut toujours danser si tu en as envie. Ou alors si tu préfères reste là : il est vrai que nul n’a à savoir ce que tu dis. »

Quel prosaïsme !

Rádio Macau
8 [Oito] (2008)

Rádio Macau. 8 [Oito]. iPlay, 20088 [Oito] / Rádio Macau, groupe instrumental et vocal. — Production : Portugal : iPlay Som e Imagem, ℗2008.
Enregistré à Lisbonne, Estúdios do Olival.

1 CD + 1 DVD : iPlay, 2008. — EAN 5604931124320.

9 commentaires leave one →
  1. EmmanuelleT permalink
    28 mars 2015 13:29

    Complainte amoureuse

    Oui dès l’instant que je vous vis
    Beauté féroce, vous me plûtes
    De l’amour qu’en vos yeux je pris
    Sur-le-champ vous vous aperçûtes
    Ah ! Fallait-il que je vous visse
    Fallait-il que vous me plussiez
    Qu’ingénument je vous le disse
    Qu’avec orgueil vous vous tussiez
    Fallait-il que je vous aimasse
    Que vous me désespérassiez
    Et qu’enfin je m’opiniâtrasse
    Et que je vous idolâtrasse
    Pour que vous m’assassinassiez

    Alphonse Allais

    ——

    La particularité c’est qu’en français l’imparfait du subjonctif est fait de sons devenus de plus en plus lourds et comiques à mesure de l’évolution de la langue française…

  2. 28 mars 2015 16:04

    je plussoie ( mot qui n’est même pas reconnu par le correcteur orthographique!!!) et je pratique.
    en lien un texte de moi sur mon site
    http://tungstene.e-monsite.com/pages/amour-courtois.html

    • 28 mars 2015 17:36

      Ah, très joli !

      • 29 mars 2015 01:22

        Merci
        le futur est incertain,
        le conditionnel une prise en otage
        l’imparfait très passé
        mon temps préféré reste à inventer:
        l’imparfait du subjectif

  3. denise permalink
    29 mars 2015 08:43

    il doit bien exister un travail universitaire d’historien des langues décortiquant pourquoi ces temps sont devenus en France des attributs d’un langage de classe (dans tous les sens du terme), précieux, à la longue ampoulé puis un peu ridicule, et pourquoi ils sont restés utilisés dans le langage courant en portugais

  4. dédé permalink
    30 mars 2015 12:22

    Plût aux dieux..

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :