Amor sem casa | Karina Beorlegui, Amália Rodrigues
Une curiosité.
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Karina Beorlegui y Los Primos Gabino | Amor sem casa. Teresa Rita Lopes, poème ; Alain Oulman, musique ; Karina Beorlegui, chant ; Los primos Gabino (Nacho Cabello, Juan Pablo Esmok Lew y Esteban Ruiz), guitares. Captation : concert « Tango & Fado » au café El Faro, Villa Urquiza, Buenos Aires (Argentine), 15 février 2013.
Est-ce la perspective d’interpréter un fado du répertoire d’Amália, — une grande dame du fado comme elle l’était, une très grande dame —, qui l’a conduite, elle, une jeune Argentine au nom basque comme nombre de ses compatriotes, à faire placer le micro très haut, ce qui l’oblige à l’effort permanent, lorsqu’elle chante, de se hisser sur les mollets pour l’atteindre et à déployer ses bras comme pour s’y agripper ? (Ou est-ce que l’articulation du pied de ce micro est bloquée ?)
C’est un choix étonnant que cet Amor sem casa, composé par Alain Oulman, enregistré à deux reprises (1967 et 1968) par Amália Rodrigues et resté chaque fois inédit. Le premier de ces enregistrements n’a été révélé qu’en 1997 (soit deux ans avant la mort de la fadiste) sur l’album Segredo constitué de splendides « fonds de tiroir » des années 60 et 70, l’autre à l’occasion de la réédition, en 2010, de l’album Com que voz de 1970 accompagné d’un CD d’inédits. Le texte est de Teresa Rita Lopes, poète et chercheuse en littérature portugaise réfugiée en France en 1963 pour cause d’incompatibilité d’humeur avec le régime salazariste. Elle a soutenu à Paris une thèse sur Fernando Pessoa dont elle est spécialiste, avant de rentrer au Portugal en 1976. Le poème sur lequel est composé le fado Amor sem casa constitue la première partie d’un triptyque intitulé O amor sem rosto (L’amour sans visage).
Quant à Karina Beorlegui, qui est chanteuse, actrice et danseuse, née à Buenos Aires en 1970, elle semble fascinée par le fado tout autant que par le tango. Ses concerts, de même que ses enregistrements, mêlent les deux genres. Elle a d’ailleurs fondé dans sa ville natale un cycle de concerts dénommé Fado-Tango Club qui a connu sa 6e édition en 2014 : Buenos Aires n’est-elle pas, comme Lisbonne, posée au bord d’un estuaire ? Avec un peu d’imagination on pourra trouver dans son style de chant (sinon dans son accent) une évocation de la manière de Mísia, qui s’est d’ailleurs quant à elle intéressée au tango. La guitare portugaise est d’une grande étrangeté.
- Voir la notice biographique de Karina Beorlegui sur le site Todo tango (en espagnol)
Amália Rodrigues | Amor sem casa. Teresa Rita Lopes, poème ; Alain Oulman, musique ; Amália Rodrigues, chant ; Raúl Nery & José Fontes Rocha, guitares portugaises ; Júlio Gomes, guitare classique ; Joel Pina, basse acoustique. Bande son extraite de l’album Segredo (1997). Enregistrement : 1967.
O amor sem rosto o amor sem casa pássaro pequeno de asa tão leve |
L’amour sans visage l’amour sans maison petit oiseau aux ailes légères |
de asa tão leve pra onde me levas o amor sem casa o amor sem tréguas |
aux ailes légères où m’emmènes-tu l’amour sans maison l’amour sans trêve |
o amor sem tréguas o amor sem guerras asa sem destino pra onde me levas |
l’amour sans trêve l’amour sans guerre aile qui vole sans but où m’emmènes-tu |
pra onde me levas deixai-me levar* [deixai-me ficar]** não quero amanhã hora de chegar |
où m’emmènes-tu je voudrais me laisser porter* [je voudrais rester]** et qu’il n’y ait demain ni heure d’arrivée |
hora de chegar a lugar nenhum deixai-me ficar deixai-me partir* |
ni heure d’arrivée ni lieu d’arrivée je voudrais rester je voudrais partir* |
deixai-me partir não sei por que estou não sei por que vim não sei por que vou* |
je voudrais partir je ne sais ni pour quoi je suis là ni pour quoi je suis venue ni pour quoi je m’en vais* |
[não sou de ninguém deixai-me ficar deixai-me ficar não sei porque vim]** |
[je ne suis à personne je voudrais rester je voudrais rester je ne sais pourquoi je suis venue]** |
[Deixai-me partir não sei porque vou]** |
[je voudrais partir je ne sais pourquoi je m’en vais]** |
não sei por que vou que vento me leva o amor sem rosto o amor sem tréguas |
je ne sais pour quoi je m’en vais quel vent m’emmène l’amour sans visage l’amour sans trêve |
não sei onde vou que sopro me arrasta o amor sem rosto o amor sem casa |
je ne sais où je vais quel souffle m’emporte l’amour sans visage l’amour sans maison |
Teresa Rita Lopes (née en 1937). O amor sem rosto, I. Publié dans le recueil : Os dedos os dias as palavras (1987). | Teresa Rita Lopes (née en 1937). L’amour sans visage, I, traduit de O amor sem rosto, I par L. & L. – |
* Parties du poème non reprises dans le fado
** Parties de texte propres au fado