As penas — Lula Pena
Je pars quelque temps, en Italie comme presque toujours.
J’ai à peine le temps d’écrire quelque chose, au moins pour ne pas avoir l’air de fuir comme un voleur. Je n’écris rien d’ailleurs, je voulais juste rendre encore un petit hommage à la fascinante Lula Pena, que je désespère de voir et d’entendre un jour en concert. Elle n’en a aucun programmé en France. Mais que font les organisateurs de concert ? De festival ?
Ceci a été capté le 9 juin dernier, en Allemagne, dans un lieu exigu qui ressemble à une baraque de chantier. Ça s’appelle Bauwagen (roulotte de chantier, c’est ça ?) — mais je n’ai pas trouvé dans quelle ville il est situé. Apparemment le concert entier est publié sur Youtube, à raison d’une vidéo par morceau.
Troubadour. Acto II, As penas ; Fui à fonte beber água / Lula Pena, chant, guitare. Enregistrement : Allemagne, 9 juin 2011.
Encore que parler de morceau dans le cas de Lula Pena c’est presque un abus de langage. Son album Troubadour, publié l’an dernier, est un chef d’œuvre, un prodige (voir ici). Il est composé de 7 parties, 7 « actes » dans lesquels s’enchaînent et se mêlent comme dans un flot des fragments de chansons, de fados, de bruits. L’acte II s’ouvre sur un extrait d’un fado créé — et enregistré — par Amália en 1945 au Brésil, As penas. Le poème est difficile à traduire, puisqu’il joue sur les deux sens du mot pena en portugais, qui est à la fois peine et plume. En français ce mot-là existe aussi : penne, mais il ne désigne qu’une catégorie de plumes — les pennes et les rémiges, tu t’en souviens ? Ça m’est resté ça, de l’école primaire, ou de plus tard je ne sais pas.
Comme elles diffèrent des miennes, les [penas] des oiseaux que l’air emporte, légers. Les miennes me pèsent tant que parfois même les pleurs n’en allègent pas le poids.
Comme ils sont heureux les oiseaux, comme elles sont légères et douces, les [penas] que Dieu leur a données ! Les miennes me pèsent tant, ah si su savais combien… Dieu le sait bien, et moi aussi.
Ce fado, Lula Pena n’en chante que les premier et dernier couplets. Mais elle y insère autre chose, Dá-me uma gotinha d’água, une chanson traditionnelle de l’Alentejo que nous connaissons n’est-ce pas, à travers la voix d’António Zambujo (ici, pour te rafraîchir la mémoire). On ne peut pas imaginer deux interprétations plus différentes.
À la fontaine je suis allée boire, j’y ai trouvé un rameau vert ; qui l’a perdu était rassasié d’amour, qui l’a trouvé mourait de soif.
Donne-moi une goutte d’eau, de cette eau que j’entends couler, entre pierres et galets, il y en a bien ne serait-ce qu’une goutte.
Il y en a sûrement une goutte, je voudrais me mouiller la gorge, je voudrais chanter comme la tourterelle ; comme la tourterelle personne ne chante.
Celle de Lula Pena me fait penser à Marguerite Duras, son enregistrement de L’été 80, ou plutôt de La jeune fille et l’enfant, tu sais, « Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai », une chanson aussi simple que celle-ci, aussi poignante. La voix de Marguerite est musique, aussi.
As penas
Como diferem das minhas
As penas das avezinhas
Que de leves leva o ar
As minhas pesam-me tanto
Que às vezes já nem o pranto
Lhes alivia o pesar.[…]
São bem felizes as aves
Como são leves, suaves,
As penas que Deus lhes deu
As minhas pesam-me tanto
Ai, se tu soubesses quanto…
Sabe-o Deus e sei-o eu.
Fernando Caldeira (1841-1894). As penas.Gota de água
Fui à fonte beber água
Achei um raminho verde
Quem o perdeu tinha amores
Quem o perdeu tinha amores
Quem o achou tinha sedeDá-me uma gotinha d’água
dessa que eu oiço correr,
entre pedras e pedrinhas
entre pedras e pedrinhas
alguma gota há-de haverAlguma gota há-de haver
Quero molhar a garganta
Quero cantar como a rola
Quero cantar como a rola
Como a rola ninguém canta
Gota de água / paroles et musique traditionnelles
L. & L.
Pena, Lula
Troubadour (2010)
Troubadour / Lula Pena, chant, guitare. — Lisboa : Mbari, 2010.
Mbari 09.
Disponible sur CDGO, Fnac (Portugal)
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Trackbacks
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Lula est une des vraies interpretes de la chanson poetique.Et chante le fado d une facon formidable et originale,dans ce milieu fadista ou tout le monde essaie d imiter l inimitable Amalia!
Concordamos 🙂
Merci d’être venue jusqu’ici Valéria !
Il faut aller à Porto le 1er juillet si tu veux entendre Lula, Lulu, elle y chante à la Casa da Musica dans un petit amphithéatre en plein air où j’ai entendu Camané l’an dernier. Mais voilà, tu es déjà parti en Italie…C’est bien joli Porto l’été aussi, les gosses se jettent dans le Douro du haut du pont suspendu sous l’oeil ébahi des touristes ! Et puis c’est très pauvre, ils ont besoin de tes sous, où va celui du porto ?!
Ah oui, elle chante aussi les 4 et 19 août à Porto, Lulu Pena, donc tu vois, tu n’as que l’embarras du choix..
Oui oui, je sais bien qu’elle chante à Porto, et à Salonique, à Munich etc. Mais moi je voudrais qu’elle vienne en France ! C’est toujours les mêmes qu’on voit, c’est pourquoi je dis que les organisateurs de concerts n’ont pas d’imagination.
Par exemple faire une soirée (et même deux, à Chateauvallon et à Lyon) avec António Zambujo et Cristina Branco, et la nommer « Nuit du fado », c’est symptomatique de cette paresse. J’adore António Zambujo comme on sait, mais ça n’excuse rien.
salut
lula pena à la scene national d evreux louviers le 13 janvier 2012!!!!!!!!!!!
Ça alors !! Enfin une bonne nouvelle ! Merci !!!
🙂
transpercé
Oui c’est ça.
Miss Lula Pena devrait venir nous éblouir de sa présence (vocale) le 23 juillet prochain a Vilanova de Cerveira (nord du pays) mais… Personne sur place ne sait exactement ou elle se produira ( dans le cadre de la Biennale d’Art ou quelque part ailleurs dans cette ville)… Ma quête continue donc.
Bonne chance ! 🙂
J ai vu et revu et reverrais ( si j’en trouve le temps) Lula Pena à Porto et dans une ville de l’intérieur du Portugal dont le nom m’échappe pour le moment.
A Porto le point faible, c’est que cette année, sans doute par manque d’argent, il n’y a pas d amphitheatre monté à l’extérieur donc on entend toute la circulation et comme l’ensemble est « patronné » par la « grande » bière nationale « Super bock » entre les buveurs et les spectateurs la demande n’est pas tout à fait la même. Sinon sur scène elle est toujours éblouissante.
Lula Pena passe en concert à Evreux (Normandie) le vendredi 13 janvier à 20h30 au Cadran. Programmé par la Scène Nationale Evreux Louviers. Renseignements 02 32 78 85 25.
J’y serai bien sûr, quitte à traverser tout le pays !