Place de la Bourse. 3
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Sur Ifig, voici ce qu’il est possible de dire pour l’instant. Il est né à Porrentruy (canton du Jura, Suisse) sous le signe du taureau. Sa mère, originaire de Venise, se nomme Anna Maria Longhi. Elle n’a jamais dit comment, ni dans quelles circonstances, elle a rencontré son mari, Łukasz Kawczynski, ni pourquoi ils se sont établis ici dans cette bourgade impensable. Elle dit par exemple : « Non vous savez, Łukasz ne tenait pas à l’Italie. Pas plus que moi à la Pologne. » C’est tout.
Pour leur voyage de noces ils ont choisi la Bretagne, le bord de mer, pour que Łukasz puisse assouvir sa passion pour la pêche. À Kérity sur le territoire de la commune de Penmarc’h, tout près du phare d’Eckmühl et de la chapelle Notre-Dame de la Joie, ils ont facilement trouvé à louer une petite maison, deux pièces séparées par le couloir qui servait d’entrée, appartenant aux frères Cosquer. Fañch, l’aîné, emmenait Łukasz sur son bateau de pêche dès les petites heures du jour tandis que le cadet, Ifig, tenait compagnie à Anna Maria. Ifig Cosquer était un jeune homme sans arrière-pensées. Il montrait son pays à Anna Maria, il le lui offrait, et s’offrait aussi. Fañch n’était pas moins généreux : une fois partagée la pêche du jour il invitait Łukasz à le suivre dans la maison où il vivait avec son frère. Ils sirotaient un peu de malvoisie, grignotaient quelques langoustines et parfois poursuivaient leur entretien dans le secret de la chambre de Fañch. Quelquefois Fañch prenait à son bord Anna Maria au lieu de Łukasz, qui ces jours-là était entre les mains d’Ifig. Fin juillet, les frères Cosquer et les Kawczynski se quittèrent bons amis.
Lorsque l’enfant naquit l’année suivante il reçut pour prénoms Ifig Fañch.
Laid comme tous les nouveaux-nés, Ifig Fañch Longhi Kawczynski se transforma bientôt en un enfant ravissant. Adolescent il rayonnait d’un charme et d’une beauté insolites — du moins pour la Suisse. « Qu’il est ravissant cet enfant ! » s’exclamait madame Petitat, de la boucherie-charcuterie Petitat. « Qu’est-ce qu’il te faut mon petit Breton joli ? — De la viande pour le kig ha farz s’il vous plaît — Pour le quoi mon joli ? — Du paleron, du jarret de porc et de la queue de bœuf — Viens par là mon garçon, trompettait monsieur Petitat, je vais t’en donner moi, du jarret de porc et de la queue de bœuf ! — Rhoo Jules voyons ! Celui-là alors ! le grondait en riant madame Petitat. — Va voir monsieur Jules mon chéri, il te donnera tout ce que tu veux. Et vous mademoiselle Anselmi qu’est-ce que je vous sers ? Monsieur Petitat : — Du jarret de porc et de la queue de bœuf pour vous aussi mademoiselle Anselmi ? »
Ifig devenait un jeune homme. Anna Maria Longhi lui parlait du Finistère, et lui fit connaitre l’Italie. Ifig trouvait que c’était un beau pays. Son goût pour les déguisements, de même que la double perspective de vivre à Rome et d’accéder gratuitement à une salle de musculation le décidèrent à s’inscrire au concours de garde suisse au Vatican. Il passa les épreuves avec brio. Cependant certains examinateurs mirent en doute sa nationalité helvétique, en dépit des attestations officielles et dûment revêtues du cachet de la Confédération qu’il avait produites dans son dossier de candidature. Heureusement pour Ifig le cardinal camerlingue en personne y mit bon ordre.
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Dire que je me retrouve Place de la Bourse alors que je suis sur ce blog pour écouter des fados !
C’est un peu un bric-à-brac ce blog vous savez…
Je m’en étonne mais je ne m’en plains pas.