À confesse
Je me rends compte que je n’écoute pour ainsi dire jamais les albums d’António Zambujo. Une de ses faiblesses à mes yeux — à mes oreilles plutôt, car à mes yeux non — c’est qu’il soit un homme.
Mais c’est une faiblesse grave. Je ne peux pas le lui passer, ça, c’est irrémédiable.
La semaine, c’est au début de la journée que je mets un CD dans la platine, à la fin du petit déjeuner, quand il ne me reste plus que le thé à terminer. Je m’installe dans le canapé avec le bol. Parfois je n’écoute que deux ou trois morceaux, de quoi avoir quelque chose pour aller travailler, ne pas partir sans rien. Et ça, ce que j’ai écouté, me revient presque toujours en tête dans la journée, sans s’annoncer, exactement comme un reflux de digestion.
Avant Noël j’écoutais Carminho : Bom dia amor et À beira do cais (vidéo ici), ce morceau-là au moins deux fois.
Et June Tabor, presque tous les jours. Depuis que j’ai découvert Finisterre, j’ai acheté beaucoup d’albums d’elle. Les derniers sont les meilleurs (Ashore, At the wood’s heart, Apples) — et celui qui paraît le mois prochain, Quercus, avec piano et saxophone, continue sur la lancée : il s’ouvre sur l’adorable Lassie lie near me, dont une version figure au programme de At the wood’s heart (2008).
Et puis : Sílvia Pérez Cruz — qui a quelque chose en commun avec António Zambujo, cette façon de s’approprier une tradition musicale et d’en faire une expression personnelle. Et je dois dire que je préfère l’univers musical de Sílvia Pérez au tien, António, cela indépendamment de ton péché originel. Je la crois plus douée que toi (mais elle t’aime bien, tu le sais). À ce propos — à propos d’être douée –, elle a aussi quelque chose en commun avec Lula Pena : un art de la dérive, l’acceptation (la recherche même) de la bifurcation vers l’inattendu. Mais l’une est aussi solaire que l’autre est lunaire.
Maintenant : Mayte Martín. Sur son site web, elle a écrit que le flamenco est son origine, mais pas son joug (« el flamenco es mi orígen, no mi yugo »), et je ne me lasse pas de Niño del 40 dans cet album dont j’ai très peu parlé : ALCANTARAMANUEL (c’est écrit comme ça). C’est son phrasé, notamment sur ce vers que j’attends avec délectation : « Y un barco que partió y que no se ha ido », et un bateau qui s’en est allé mais qui n’est pas parti : je ne peux pas te le décrire, c’est trop subtil, c’est une sorte de virtuosité discrète, qui porte en elle un sortilège. Souvent ce vers-là me revient au cours de la journée, et puis cet autre : « No se estaba ya en guerra aquel verano », on n’était pas encore en guerre cet été-là. On peut toujours en écouter un bout sur Qobuz ou sur Deezer, mais mieux vaut se procurer l’album.
Je m’excuse António, vraiment, mais jamais il ne me vient l’envie que la musique du matin soit la tienne — ni celle du soir. Et encore je ne t’ai pas tout dit, Amelita Baltar, Flery Dandonaki, Néna Venetsanou, Lucilla Galeazzi, Maria Carta et d’autres — et Amália bien sûr, mais ça va sans dire.
Et ceci, que je dois t’avouer aussi : il y a quand même un homme parfois, Alfredo Marceneiro.
Mais tu m’écoutes ?
L. & L.
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Paul Vecchiali, réalisateur. Femmes femmes (1974) . Extrait. Avec Hélène Surgère (Hélène) et Sonia Saviange (Sonia). Voir la fiche IMDb.
Lulu, Lula Pena chante le 10 juin au théatre de la Ville !!! j’ai appris ça hier, à mon cours de portugais, où une collègue à qui j’avais parlé d’elle m’a donné le programme du festival des chantiers d’Europe Lisbonne-Paris pour me l’annoncer ! Et c’est une chance, parce que je ne sors plus trop et j’aurais pu passer à côté sans le savoir ! Le 5 juin c’est Carminho, bref il faut que tu vois ça… Dis-moi si tu viens, parce que là, je n’aurais peut-être pas la chance d’avoir la place à côté de toi…
je ne sais pas ce que tu deviens, je ne vois plus de billets depuis le 26 avril…
Ça alors ! J’ai dû relâcher ma surveillance pour qu’une chose pareille m’ait échappé. Oui je vais tâcher de venir, je te tiens au courant.
Ph.
Très exactement Carminho est bien au Théatre de la Ville le mercredi 5 juin, Lula elle chante lundi 10 juin à 20h30 au Montfort, 106 rue Brancion ds le 15ème, je ne connais pas du tout. Je te joins le programme de tout le Festival consacré à Lisbonne : http://www.theatredelaville-paris.com/horsscene-sur-le-vif-14
Voix de June Tabor, sans fin, sans fin, sans fin …
Mais oui. Une telle intelligence, un tel savoir-faire… Comment se fait-il qu’elle ne soit pas célèbre ?