Alla tedesca
Il y a quelques semaines, le printemps et la chaleur s’étant imposés bien avant leur temps, j’ai remis les nu-pieds. Mais c’était février. C’est pourquoi je me suis résolu à les porter à la mode tudesque – c’est à dire sur des chaussettes –, une pratique sévèrement réprouvée par le goût français, comme d’ailleurs par celui des autres pays latins.
Aujourd’hui je peine à justifier cet accès d’indécence. Cependant je ne me suis pas conformé exactement à la rigueur de cette mode. Voyez :
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Car au vrai, l’absolu de la mode allemande requiert de porter les nu-pieds, non sur des chaussettes fantaisie, mais sur des socquettes blanches et, plus impératif encore, avec un short laissant paraître des jambes et des cuisses dont la matière semble faite d’une mousse à la fraise compacte, enserrée probablement, si on la touchait, dans un fin boyau transparent.
Il y a quelques années (c’était la semaine suivant le second tour de l’élection présidentielle de 2012, qui a eu lieu le 6 mai), à Raguse en Sicile, alors que nous escaladions les venelles escarpées, souvent faites d’escaliers, de la ville haute, en est descendue une femme d’une cinquantaine d’années, très vive, d’allure étrangère, suivie, quelques minutes plus tard, par un homme corpulent, soufflant, vexé, vêtu comme un touriste anglais des années vingt voyageant en Mésopotamie. Chemisette et short blancs, chèche mastic, chapeau grège à grands bords. Aux pieds, des sandales sur des socquettes blanches. Il s’est arrêté sur un replat, exténué, vieux, à bout de tout, puis a crié quelque chose en direction du bas de la pente. La voix déjà lointaine de sa compagne s’est faite entendre en retour ; il a soupiré d’exaspération.
J’ai pensé qu’ils étaient polonais. J’ai demandé à l’homme, en français (bien certain qu’à son âge et dans un tel costume il comprenait cette langue) : « Vous êtes polonais, Monsieur ? » Il a tourné vers moi un visage interloqué, froncé, couleur de mousse à la myrtille, et m’a crié, dans un miaulement aboyé de chat en colère : « oui ! », reprenant aussitôt sa pesante descente.
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Maria Koterbska (née en 1924) | Augustowskie noce [Nuits d’Augustów]. Andrzej Tylczyński & Zbigniew Zapert, paroles ; Franciszka Leszczyńska, musique.
Maria Koterbska, chant ; Orkiestra Taneczna Polskiego Radia [Orchestre de danse de la Radio polonaise] ; Edward Czerny, direction. Pologne, 1966.
Vidéo : extrait d’une émission de la télévision polonaise ? Pologne, vers 1966.
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Ah non, pas les chaussettes dans les sandales ! Comment peux-tu !!!!
Un désir de transgression, suscité par la chaleur précoce !