Kész az egész
Voici cette chose qui, une fois vue et entendue, prend possession de vous. D’ailleurs on y revient de soi-même, on ne la laisse pas, on ne peut pas. On veut entendre encore ce piano hypnotique et dur, répétant ses coups, toujours les mêmes, comme une machine-outil, et la voix traînante qui, au bout d’une attente interminable, attaque enfin, douce et inoubliable : Kész… az egész… « c’est fini… tout ça…», et continue dans cette langue qu’on ne comprend pas, pleine de voyelles et de sons suaves. Il y a ces paroles qui reviennent : « soha már, soha talán », avec les s prononcés ch et les a sans accent presque o. Ça revient tout le temps. Ça obsède, on attend que ça revienne. Soha már, soha talán, « plus jamais, jamais peut-être ». Le bar s’appelle Titanik. Le film, Damnation (Kárhozat en v.o.).
Le bar est dans un noir épais, presque matériel, seulement troué par les personnages, chacun à sa table, chacun à sa solitude, éclairés à la manière des scènes du Caravage. La pluie abondante du début de la scène, épaisse elle aussi, bruyante, ne cesse jamais durant le film. Tous les extérieurs en sont noyés. À regarder on est frigorifié, oppressé par le bruit obstiné de cette pluie interminable. La boue, les chiens errants. La langue hongroise. Kész… az egész…
Kárhozat (1988), extrait. Titre français : Damnation.
Béla Tarr, réalisation, avec la participation d’Ágnes Hranitzky ; László Krasznahorkai & Béla Tarr, scénario ; Mihály Víg, musique ; Miklos B. Székely (Karrer), Vali Kerekes (la chanteuse), Hedi Temessy (la dame du vestiaire), acteurs. Sociétés de production : Mokép Films, Magyar Filmintézet (Budapest). Hongrie, 1988 (sortie hongroise).
Chanson : Kész az egész. Mihály Víg, paroles et musique.
[Vali Kerekes ?], chant ; Zoltán Csonka, Sándor Kaszab, accordéon ; Mihály Víg, piano ; János Újvári, saxophone ; József Dénes, guitare basse ; Gábor Balogh, batterie.
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Sur le film Kárhozat (Damnation), de Béla Tarr :
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Encore une fois ce bout de film, sans les sous-titres et jusqu’au bout. Il faut savoir ceci : Karrer, le personnage principal, a eu une liaison avec la chanteuse. Elle, cette chanteuse, y a mis fin. Cela on l’a su avant cette scène du bar où Kerrer, toujours obsédé d’elle, est revenu la voir. La chanson achevée, alors qu’il s’apprête à partir, il est rejoint et menacé par le mari de la chanteuse. La scène se termine par la magnifique séquence avec la dame du vestiaire. Elle lui dit de ne pas provoquer cet homme, qu’il se ferait écraser, détruire – et de fermer sa veste avant de sortir, car le brouillard pénètre partout, même en soi.
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Kész az egész
Mindennek vége,
Vége már és
Nem lesz másik
Nem lesz jó
Soha már
Soha talán.Rémkép az egész
Talány, hogy honnan lesz új,
Hogy honnan jön el, ha jön,
Vagy nem jön el, soha már.
Soha talán.Ez van, ezt kell szeretni.
Most már mit lehet tenni,
Torkodra forr szavad,
Elmenned nem szabadEnnek rég vége már,
Jó hogy Nirvána vár,
Jó hogy nem fogok lenni,
Ez van, ezt kell szeretni.Mondd, miért,
kicsim, miért,
miért van vége, vége már
Ès nem lesz másik,
nem lesz jó soha már,
soha talán.Tőle és vele van a lélek,
Neki lelkesülnek a dolgok,
Nélküle minden kopár,
Vele meg teljes és boldog,
Hogy lenne vége? Szamár!
Soha már, soha talán.Kész, ez kész, nincs vége,
Vége már.
Nem múlhatott el, és nem fog
Elmúlni soha már. Soha talán.
Talán soha már.
Mihály Víg (Víg Mihály selon l’usage hongrois). Kész az egész (1988).
Sinistre comme la Hongrie elle-même à l’époque. Et là je vois des mots que je connais, sans même plus deviner le sens d’un dixième. La langue s’use tellement quand on ne s’en sert pas … Mais tester Google Trad là-dessus est une source infinie de perplexité et de rire, même sur ces paroles tristes.
Et le turc ?
Pour le turc, vu que j’étais le seul inscrit en niveau débutants, le cours a été supprimé ! Ce n’est pas encore cette année que je deviendrai turcophone.
bella canzone, grazie e buon 2019
… e un film bellissimo!
Grazie a te, e buon anno!
Philippe