Des paupières tragiques
Si ce n’est déjà fait, vous devriez lire Madame Solario, je vous assure. C’est un roman qu’il faudrait avoir découvert jeune, afin d’en rester marqué toute la vie.
Un des personnages du roman (mais c’est tout à fait anecdotique) m’a fait penser à Gisela João. Celui de Missy, une jeune fille pétulante et versatile, qui chante elle aussi, quoique en amateur. Eugene Harden, le frère de madame Solario et l’un des deux héros du roman, en parle ainsi :
« Qui l’eût cru ? dit-il, il y a en elle quelque chose de tragique. Jamais on ne l’imaginerait à première vue, elle est si enfant gâtée, elle rit trop et elle est même un peu vulgaire. Mais, t’en souviens-tu, je t’ai dit un jour qu’elle m’inspirait un certain intérêt à cause de la forme de ses paupières. Maintenant, je vois pourquoi : ses paupières ont quelque chose de tragique. »
Gladys Huntington (1887-1959). Madame Solario, traduit de Madame Solario (1956) par Renée Villoteau, avec la collaboration de l’autrice. Les Belles lettres, 2018. ISBN 978-2-251-21007-0. Page 284.
Missy, qu’Eugene trouve « un peu vulgaire » n’en est pas moins capable de chanter admirablement et d’émouvoir aux larmes son auditoire.
Comme Gisela João.
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Gisela João | As rosas não falam. Cartola, paroles & musique.
Gisela João, chant ; Bernardo Romão, guitare portugaise ; Nelson Aleixo, guitare ; Francisco Gaspar, basse acoustique.
Production : Omroepvereniging VPRO. Pays-Bas, 2018. Première diffusion publique dans l’émission VPRO Vrije Geluiden du 18 mars 2018. Captation : complexe TivoliVredenburg, Utrecht (Pays-Bas).
As rosas não falam (« Les roses ne parlent pas ») est « un » samba – le mot est masculin en portugais – de Cartola (1908-1980), auteur compositeur interprète brésilien, originaire de Rio de Janeiro où il a vécu toute sa vie.
Cette chanson est considérée comme l’une des plus célèbres de son auteur. Gisela João l’a enregistrée pour son deuxième album de studio, Nua (2016), qui en compte une seconde, également célèbre, du même auteur : O mundo é um moinho (« Le monde est un moulin »). Elle interprète l’une et l’autre dans un style certainement beaucoup plus proche du fado que de la samba.
Pour mémoire, Cartola figure également au répertoire de Lula Pena (voir ce billet).
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Bate outra vez
Com esperanças o meu coração
Pois já vai terminando o verão
EnfimBats encore
D’espoir, mon cœur
Car l’été se termine
EnfinVolto ao jardim
Com a certeza que devo chorar
Pois bem sei que não queres voltar
Para mim
Je retourne au jardin
Avec la certitude qu’il me faut pleurer
Car tu ne veux pas, je le sais
Me revenirQueixo-me às rosas
Mas que bobagem
As rosas não falam
Simplesmente as rosas exalam
O perfume que roubam de ti, ai
Je dis toute ma peine aux roses
Mais quelle sottise
Les roses ne parlent pas
Simplement, les roses exhalent
Le parfum qu’elles te dérobentDevias vir
Para ver os meus olhos tristonhos
E, quem sabe, sonhavas meus sonhos
Por fim
Tu devrais venir
Alors tu verrais mes yeux tristes
Et peut-être rêverais-tu mes rêves
Enfin Cartola (1908-1980). As rosas não falam (1974).
Cartola (1908-1980). Les roses ne parlent pas, traduit de As rosas não falam par L. & L.
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Sur Madame Solario :
- la notice Wikipédia de Gladys Huntington, son autrice
- l’émission de la série Une vie, une œuvre (France culture) consacrée à Madame Solario