Place de la Bourse. 9
- Fait suite à : Place de la Bourse. 8
C’est le jeune mage de Rawalpindi. Il se trouvait déjà sur la place lorsque la femme aux cheveux roses s’est prise à crier sur ses enfants. Toute la famille, les deux enfants, leur père qui vient d’ôter son teeshirt rouge et de s’en éponger le visage et le cou, leur mère vociférante, forment un petit groupe à sa gauche, du côté de la rue Clémence Isaure.
C’est le jeune mage, tombé sur le pavé.
Un éblouissement. Il n’a pas su au juste ce qui éclatait en lui. Un jaillissement brutal s’est produit, une déflagration dont il n’a pas eu le temps de connaître la nature, une main lui attrapant le cœur tout à coup et l’étreignant. Il meurt. Il tombe.
Lorsqu’on s’approche on voit sur lui sa peau noire à reflets bleus comme un satin changeant, plus pâle sur son visage tragique et princier. On dirait que le sang s’en est retiré. Est-il mort ? La disposition de son corps est celle d’un abandon total, comme s’il avait été foudroyé, ou subitement frappé d’une douleur atroce.
« Mon Dieu » dit d’une voix blanche le mari de la femme aux cheveux roses, paralysé. « My God! » s’exclame la femme aux cheveux roses. « Mince ! » dit Jean-Paul Burguière. « Merde ! » jure Ifig, se précipitant. Il sait ce qu’il y a à faire. (Comment le sait-il ? En sa qualité de garde suisse peut-être. Possible que les gardes suisses détiennent certains des savoirs des pompiers. Possible aussi qu’Ifig ait passé son brevet de secouriste.) Il déplie le jeune mage de Rawalpindi, l’allonge sur le dos. « Mon Tieu mon Tieu » se lamente la dame au téléphone grenouille, s’agenouillant et vaporisant une brume fraîche sur le visage du gisant. « On dirait un roi mage » dit-elle de sa voix douce et chantante. Le jeune Peul constate, un peu étonné mais content pour elle, que la grosse dame a des genoux.
- Continue dans : Place de la Bourse. 10
Trackbacks