Carlos do Carmo | Vim para o fado
Carlos do Carmo (né en 1939) est l’un des plus anciens fadistes en activité — et en fait d’activité on ne peut aucunement parler d’une forme de pré-retraite. Il se produit sur scène et enregistre à un rythme soutenu, jouissant encore de ses qualités vocales, presque intactes.
La vidéo ci-dessous, de 1976, est extraite du même programme de télévision que celle qu’on peut voir dans le billet Estrela da tarde. Le fado Vim para o fado n’était pas ce soir-là en lice pour représenter le Portugal au Concours Eurovision : il était interprété en plus, comme une forme d’entracte. On aperçoit brièvement la mère du fadiste, Lucília do Carmo — elle-même une des gloires du fado de l’après-guerre –, assise très droite au premier rang du public, le regard rivé à son fils.
Vim para o fado met en valeur la souplesse et la nervosité du chant de Carlos do Carmo. Ces qualités doivent, ou devraient, prévaloir chez tout fadiste, car le fado requiert des voix extrêmement mobiles et plastiques. Celle de Carlos do Carmo n’a pas l’agilité dynamique qui est l’apanage des très grands stylistes comme Maria Teresa de Noronha ou Amália Rodrigues, mais il faut lui reconnaître une aisance rythmique particulière dans la conduite du chant, une forme d’élan athlétique de perchiste, ou mieux de triple sauteur, qui donne à ses interprétations un tour élégant et enlevé.
Carlos do Carmo | Vim para o fado / Júlio de Sousa, paroles & musique ; Carlos do Carmo, chant ; instrumentistes non identifiés.
Vidéo : extrait de l’émission Festival da canção 1976. RTP [Rádio e Televisão de Portugal], 28 février 1976.
Vim para o fado e fiquei…
Sou corda de uma guitarra
A que mais geme e soluça
E em vez de vestir samarra
Uso a sombra de uma capa
Que me tapa e me destapa
Se o meu corpo se debruça.Je suis venu au fado, et j’y reste…
Je suis corde de guitare
La plus prompte à gémir et pleurer.
Au lieu d’une houppelande
Je m’enveloppe dans une cape
Qui me cache ou me découvre
À mesure que mon corps bouge.
Se quizeres saber de mim
Onde me perco encontrado
Pergunta aos guardas da noite
Pergunta às portas fechadas
Pergunta às mulheres compradas
Pelo fantasma do fado
E aos fadistas também
Porque todos me conhecem
Mas se vires que me entristecem
Não digas à minha mãe
Já tenho novos amigos
Que me oferecem de beber
Mas ninguém mata esta sede
Esta sede de esquecer.
Si tu veux de mes nouvelles
Si tu me cherches
Demande aux gardiens de la nuit
Demande aux portes fermées
Demande aux belles de nuit
Où est le fantôme du fado
Demande-le aussi aux fadistes
Car ils me connaissent tous
Mais si tu me vois triste
N’en dis rien à ma mère
Oui, j’ai de nouveaux amis
Qui me paient à boire
Mais nul n’étanche ma soif
Cette soif d’oublier.Vim para o fado e aqui
Em cada noite perdida
Mais fado há na minha vida
E mais me lembro de ti
Do amor que não te dei
Vim para o fado e fiquei!
Je suis venu au fado, et ici
Chaque nuit perdue
Ajoute du fado à ma vie
Et avive le souvenir de toi,
De l’amour que je ne t’ai pas donné
Je suis venu au fado, et j’y reste !
Júlio de Sousa. Vim para o fado
–Júlio de Sousa. Je suis venu au fado,
traduit de Vim para o fado par L. & L.
elle est amusante, cette vidéo, indépendamment de l’intérêt de ce fado que je ne connaissais pas, non seulement parce que Carlos do Carmo chante devant sa mère « nâo digas à minha maê », mais parce que la petite fille brune qui gigote à côté d’elle, je suis sûre que c’est sa fille Cila, qui au début s’efforce de ne pas regarder son papa chanter, et qui ensuite est fascinée de le voir dans ce rôle !
Bien vu Anne-Marie ! J’aime beaucoup ce fado je dois dire. Je suis dans une phase Carlos do Carmo actuellement… Je me suis procuré un album où il chante en alternance avec sa mère, et aussi un fado qu’ils font en duo (Fado Lisboa, an evening at the « Faia », Universal, 1974, reed. 2003).
As-tu vu que Lula P. chante à Marseille dans une semaine ?
Ph.
J’ai bien vu que tu tombais dans Carlos do Carmo ! Moi même je l’ai redécouvert cet été dans un concert dans le cloître de Jeronimos, j’avais acheté son disque ‘um homen na cidade’ que j’ai écouté cet hiver et qui est bien, c’est vrai. Mais il fait partie de ces quelques fadistas que je préfère en disque que sur scène, parce qu’ils en rajoutent, à mon goût, il fait un peu bonimenteur, je trouve !
Quant à Lula, non, je n’avais pas vu, et du coup je vois qu’elle chante aussi le 2 juin à Lisboa, à Culturgest, une belle salle que j’ai découverte le week-end dernier, à l’occasion d’un concert d’Aldina Duarte, très beau ! J’avais derrière moi, enthousiaste, le cinéaste Joao Botelho, que j’ai reconnu grâce à toi, tu en avais parlé dans un billet. Le monde lisboète est petit, la dernière fois que j’ai vu Lula, c’était au spectacle de Camané au Coliseu en novembre !
Ah la la, il faudrait être partout, c’est terrible !
Mais toi tu es partout, comment fais-tu ? C’est extravagant.
Penses-tu ! Pas encore le don d’ubiquité, comme la Sabine de Marcel Aymé ! j’ai l’air de me vanter, comme ça, mais en réalité, je n’étais pas partie depuis novembre précisément, et mes meilleures sorties, c’est sur ton site que je les fais, des sorties en boite, dirait Lula, mais quand même : heureusement que tu es là pour ma culture !