Artur Batalha — Noites perdidas. Et Ricardo Aires
Artur Batalha. Noites perdidas / Sérgio Valentino, paroles ; Júlio Proença, musique (Fado Proença) ; Artur Batalha, chant ; instrumentistes non identifiés. Captation : Lisbonne (Portugal), restaurant Senhor Fado (Alfama), vers 2011.
Décidément il me plaît, Artur Batalha, autrefois surnommé « Prince du fado » [voir aussi le billet Artur Batalha — Qualquer coisa que me anima], mais je l’aime mieux aujourd’hui, avec sa voix qui a vécu et qui s’est transformée, car le fado convient à ceux qui ont parcouru une moitié au moins de leur vie, et qui en ont éprouvé la vicissitude. Et lui, il est très simple, spontané, le chant du fado lui vient naturellement, pour ainsi dire comme dans le fil de la conversation.
La vidéo est sous exposée, on ne voit presque rien mais tant mieux. La musique de ce fado (Fado Proença, du nom de son compositeur, Júlio Proença), est idéale pour se plaindre : les appuis rythmiques et mélodiques sont placés de telle sorte que la voix puisse gémir. Elle ressemble à d’autres fados — ils se ressemblent tous plus ou moins, on s’y perd parfois. Le fado est une forme de ressassement. Mais imperturbablement, on y retrouve presque toujours la pulsation originelle du lundum, son ancêtre brésilien, qui est comme le battement d’un cœur, et qui est aussi comme le ressac de la puissante mer atlantique.
Ai quantas noites perdidas
contigo compartilhadas
a semear vendavais
horas falsas mal vividas,
à minha vida roubada,
que não quero viver maisAh que de nuits perdues
Partagées avec toi
Passées à semer des tempêtes.
Heures manquées, mal vécues
Dérobées à ma vie
Et que je ne veux pas revivre.Ai quem me dera esquecer
aquelas noites sombrias
vividas sem qualquer fim
horas e horas sem ver
sem ver que tu não valias
nem um minuto de mimAh que je voudrais les oublier
Toutes ces nuits sombres,
Ces nuits interminables,
Ces heures gâchées
Avec toi qui ne valais
Pas même une minute de ma vie.
O que sofri ninguém sonha
das tuas noites já fartas
de mudarem de paixão
e hoje tenho vergonha
por não conseguir que partas
de vez do meu coraçãoCe que j’ai souffert, nul ne se le figure
De ces nuits que tu épuisais
À passer d’un amour à un autre
Et je m’en veux aujourd’hui
D’être impuissant à t’arracher
De mon cœur à jamais.
Sérgio Valentino. Noites perdidas.Sérgio Valentino. Noites perdidas. Traduction L. & L.
En prime, une autre interprétation de ce même fado, celle d’un jeune homme fort doué, bien qu’il n’ait pas encore trouvé son style propre. La captation a eu lieu dans le local du Groupe sportif de la Mouraria (Grupo Desportivo da Mouraria) à Lisbonne, dont les activités sont les suivantes : lutte gréco-romaine, lutte libre, musculation, marches populaires (la nuit de la saint Antoine je suppose), et les nuits de fado. Outre la dernière, j’ignore si le jeune homme s’adonne à l’une ou l’autre des activités proposées.
Ricardo Aires. Noites perdidas / Sérgio Valentino, paroles ; Júlio Proença, musique (Fado Proença) ; Ricardo Aires, chant ; Sérgio Costa, guitare portugaise ; Carlos Fonseca, guitare classique ; Pedro Soares, basse acoustique. Captation : Lisbonne (Portugal), Grupo Desportivo da Mouraria, 28 septembre 2008.
Il faut aller jusqu’au bout, jusqu’aux mélismes de la fin, pour entendre les exclamations du public, qui crie liiindo! (« joliii ! »), ou ora! (« voilà ! c’est ça !») avant d’applaudir.
L. & L.
j’aime comme Ricardo Aires prend d’abord, tranquillement, toute l’assistance à témoin de sa détresse : du grand art !
Oui, c’est vrai.
Mais je crois que ce type d’attitude est assez fréquent dans ces endroits où les fadistes sont quasiment au milieu du public. On le voit sur les vidéos de Marceneiro par exemple. Mais lui, Ricardo Aires, est particulièrement présent, oui.