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Luís Cília — A bola

10 juin 2012

Je reviens de la conférence d’Agnès Pellerin sur le fado. Elle a fait écouter beaucoup de fado « castiço » (c’est à dire traditionnel, grosso modo), qui a sur moi un effet aussi sûr et immédiat que les oignons coupés.

Et puis aussi cette chanson terrible de Luís Cília que je n’avais jamais entendue (ce n’est pas un fado), et qui évoque la guerre d’Angola des années 1960-70 :

A bola / Luís Cília, musique, chant, guitare ; Jonas Negalha, paroles. France, 1966.

Rola
Sangrenta
Uma bola
No chão
De Angola.
Roule
Sanglant
Un ballon
Sur la terre
D’Angola.
O dia
Vai alto,
Brilha
O sol
Na poeira
Incendiada.
Il fait
Grand jour
Le soleil
Brille
Dans la poussière
Incendiée.
Soldados
Jogam
Futebol
Com a bola
Que pula
Sangrando
No chão
De Angola.
Des soldats
Jouent
Au foot
Avec le ballon
Qui rebondit
Ensanglanté
Sur la terre
D’Angola.
Ninguém
Distingue
Na bola
Ensopada
Na areia
Empastada
Na erva
Que gira
No solo,
Personne
Ne distingue
Dans le ballon
Détrempé
Sur le sable
Englué
Dans l’herbe
Et qui roule
Sur le sol,
A cabeça
De um negro
Sangrando
Que rola
No chão
De Angola.
La tête
Ensanglantée
D’un noir
Qui roule
Sur la terre
D’Angola.
Luís Cília. A bola.
Luís Cília. Le ballon. Traduction L. & L.

Cette chanson, pour moi inconnue, m’a d’autant plus frappé que j’ai lu il y a quelques jours un récit de cette même atrocité dans le livre d’entretiens entre António Lobo Antunes et la journaliste María Luísa Blanco publié en 2001 :

D’ailleurs quand je suis revenu définitivement, tout le monde me disait que je n’avais pas changé du tout, et moi, ça me rendait furieux parce que — et comment que j’avais changé ! –, j’avais changé énormément. Comment ne pas changer ? Je me souviens de matchs de foot où les ballons, c’étaient des têtes humaines… Et on en changeait le plus naturellement du monde : « Ce ballon ne vaut plus rien, qu’on apporte une autre tête. »
António Lobo Antunes (né en 1942). Dans : María Luísa Blanco. Conversaciones con António Lobo Antunes (2001). Traduit de l’espagnol par Michelle Giudicelli (Ch. Bourgois, 2004). P. 79.

Luís Cília, né en Angola en 1943, est venu au Portugal en 1959 pour y poursuivre ses études. Ayant commencé à écrire des chansons « d’intervention » (de intervenção) en 1962, il s’est exilé en France en 1964 pour y demeurer jusqu’à la Révolution des Œillets. C’est là que ses enregistrements de l’époque ont été publiés.

L. & L.

——

Internet :

Luís Cília — Site officiel (en portugais)

6 commentaires leave one →
  1. denise lelourec permalink
    10 juin 2012 23:51

    souvenir encore, un disque que j’écoutais en boucle dans mes vingt ans, la même maison de disque que paco ibanez,accompagné du même françois rabbath.Il y avait aussi adeus trigo que j’aimais beaucoup…j’ai entendu luis cilia à la fête de l’humanité en 72 ou 73 et puis il a disparu du paysage, du mien en tout cas,

  2. 11 juin 2012 11:07

    Vous pouvez écouter « adeus Trigo » ici:

    merci bien pour votre evocation

    leonardo verde

    • lili-et-lulu permalink
      11 juin 2012 11:21

      Merci. La chanson est magnifique.

  3. Anne-Marie permalink
    11 juin 2012 13:16

    Cette chanson me rappelle la première nouvelle du film « Kaos » des frères Taviani, celle qui m’a le plus marquée, « l’autre fils », l’histoire de cette femme violée par des soldats ou des bandits (? )qui jouent au ballon avec la tête de son mari…

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