Paco Ibañez, Pablo Neruda — Todo en ti fue naufragio
S’il est question d’un long voyage en voiture, parmi les CD emportés il y en a au moins un de Paco Ibañez. Je l’écoute souvent, c’est une des plus grandes voix de la chanson européenne du vingtième siècle je trouve — et du vingt-et-unième aussi, puisqu’il est toujours là : il se produisait à Arles il y a peu de temps (je n’y étais pas), et il était hier soir l’invité de Hors-champs, l’émission de Laure Adler sur France Culture.
Écoute-la (ici), parce que ce que je pourrais en dire serait insignifiant. Écoute jusqu’au bout. Il y a la voix de Rafael Alberti, celle de Brassens. Il y a une pièce de guitare interprétée en 1968 à la radio par Atahualpa Yupanqui, une chose extraordinaire, « incroyable » comme aurait pu dire Laure Adler — mais elle ne l’a pas dit. Et quatre chansons de Paco Ibañez, dont deux chantées là, dans le cours de l’entretien, sa voix de 76 ans toujours aussi émouvante.
Les deux autres étaient A galopar, sur le poème d’Alberti (en public, le concert de l’Olympia de 1969 je pense), et ceci :
Todo en tí fue naufragio / Paco Ibañez, chant ; Pablo Neruda, paroles ; Paco Ibañez, musique. Dans : Paco Ibáñez interpreta a Pablo Neruda. Cuarteto Cedrón interpreta a Raúl González Tuñon (1977).
Emerge tu recuerdo de la noche en que estoy.
El río anuda al mar su lamento obstinado.Sobre mi [tu] corazón llueven frías corolas.
Oh sentina de escombros, feroz cueva de náufragos!En ti se acumularon las guerras y los vuelos.
De ti alzaron las alas los pájaros del canto.Abandonado como los muelles en el alba.
Es la hora de partir, oh abandonado! [bis][Todo en ti fue naufragio!]
Todo te lo tragaste, como la lejanía.
Como el mar, como el tiempo. Todo en ti fue naufragio!Era la negra, negra soledad de las islas,
y allí, mujer de amor, me acogieron tus brazos.Abandonado como los muelles en el alba.
Sólo la sombra trémula se retuerce en mis manos.Ah más allá de todo. Ah más allá de todo.
[Es la hora de partir, oh abandonado! (bis)]
[Todo en ti fue naufragio!]
Pablo Neruda (1904-1973). La canción desesperada (fragments). Dans : Veinte poemas de amor y una canción desesperada (1924). Entre crochets : les variantes et les vers déplacés par rapport au poème intégral, qu’on peut lire sur le site consacré à l’œuvre de Neruda par la Fundación Pablo Neruda.………
Ton souvenir émerge de la nuit où je suis.
Le fleuve noue sa lamentation obstinée à la mer.Sur mon cœur pleuvent de froides corolles
Ô sentine de décombres, féroce grotte de naufragés !En toi se sont accumulés les guerres et les envols.
De toi déplièrent leurs ailes les oiseaux du chant.Abandonné comme les quais dans l’aube.
C’est l’heure de partir, oh abandonné !Tout en toi fut naufrage !
Tu as tout englouti, comme le lointain.
Comme la mer, comme le temps. Tout en toi fut naufrage !J’étais la noire, noire solitude des îles
Et là, femme d’amour, m’accueillirent tes bras.Abandonné comme les quais dans l’aube.
Seule l’ombre tremblante se contorsionne dans mes mains.Ah au-delà de tout. Ah au-delà de tout.
C’est l’heure de partir, oh abandonné !
Tout en toi fut naufrage !
Pablo Neruda (1904-1973). La canción desesperada (trad. française, fragments). Dans : Veinte poemas de amor y una canción desesperada (1924). Traduction Claude Couffon et Christian Rinderknecht.
Neruda, Pablo (1903-1975)
Veinte poemas de amor y una canción desesperada (1924). Espagnol et traduction française
Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée ; suivi de Les vers du capitaine / Pablo Neruda ; traduction de Claude Couffon et Christian Rinderknecht. — Paris : Gallimard, 1998. — (Poésie, ISSN 0768-0368 ; 320).
Bilingue. Textes originaux espagnols et traductions françaises en regard.
Titres originaux : Veinte poemas de amor y una canción desesperada et Los versos del Capitán.
ISBN 978-2-07-040421-6
Les classiques, ironisait Oscar Wilde, sont des auteurs dont tout le monde parle mais que plus personne ne lit. Nous vous proposons de redécouvrir Pablo Neruda, ses poèmes, ses combats, son époque, sa vie.
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