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Fado Carriche. 1. Tristão da Silva, Fernando Maurício (& Carminho)

30 Mai 2024

Raúl Ferrão (1890-1953)Fado Carriche. Raúl Ferrão, musique ; Arménio de Melo, arrangement.
Arménio de Melo, guitare portugaise ; José Maria Nóbrega, guitare.
Extrait de l’album Lisboa, cidade de fado. Vol. III : 17 clássicos. Portugal, Estoril, ℗ 1995.

Le Fado Carriche, qui n’a pas de refrain — ce qui lui vaut d’être considéré comme un fado castiço, repris à leur guise par les fadistes sur des textes de leur choix — est un drôle de fado. De tous les fados castiços c’est l’un des plus déconcertants, avec son rythme de marche lente et sa mélodie molle : il dépend absolument, pour sa vie, de qui le chante. Il peut ne pas ressembler à un fado. Il peut ne ressembler à rien.

Raúl Ferrão (1890-1953), son compositeur, compte à son actif quelques tubes internationaux, notamment le fameux Coimbra (« Avril au Portugal » en version française), répandu dans le monde par Amália Rodrigues, ou encore Lisboa não sejas francesa, popularisée par la même, pour n’en citer que deux. Militaire de carrière, il est, qui s’en étonnera, l’auteur de nombreuses marches populaires, mais c’est surtout dans la musique de film et d’opérette qu’il s’est illustré. Et un peu dans le fado.

Tristão da Silva

Je ne connais ni la date ni les circonstances de la composition du Fado Carriche. Raúl Ferrão était actif à partir de 1923, mais l’enregistrement le plus ancien trouvé au cours de mes recherches date de 1954 (le fado peut avoir été créé plus tôt et par un autre interprète). L’enregistrement en question est dû à Tristão da Silva (1927-1978), un type maigre, très brun, au visage étroit qui semblait peiner à faire tenir ensemble des traits au dessin appuyé. Il chantait d’une voix de crooner léger, non sans charme, un répertoire « romantique » dont se détachent Nem às paredes confesso (1954), très vite repris par Amália, et l’exquis Aquela janela virada p’ró mar. Le pauvre homme est mort dans un accident de voiture.

Sur le Fado Carriche, Tristão da Silva interprète Perguntas (« Questions »), d’un certain Delfim Silva (ou da Silva, selon les sources) dont je ne sais rien.

Tristão da Silva (1927-1978)Perguntas. Delfim Silva, paroles ; Raúl Ferrão, musique (Fado Carriche).
Tristão da Silva, chant ; [Casimiro Ramos, guitare portugaise ; Miguel Ramos, guitare].
Première publication : disque 78t Perguntas ; Quem me dera meu amor / Tristão da Silva. Portugal, Estoril, ℗ 1954.

Não me perguntes, que importa,
Quantos amores conheci.
O passado é letra morta
Hoje só gosto de ti.

Ne me demande pas, qu’importe,
Combien d’amours j’ai connues.
Le passé est lettre morte,
Aujourd’hui je n’aime que toi.
Acaso uma flor mimosa
Tenta saber, indiscreta
Por quantos botões de rosa
Se perdeu a borboleta

Crois-tu que la fleur délicate
Cherche à savoir, indiscrète,
Sur quels boutons de rose
S’est posé le papillon ?
Diz-me se a areia da praia
Alguma vez perguntou
Ao mar que nela se espraia
Quantas praias já beijou

Dis-moi si le sable du rivage
A déjà pensé demander
À la mer qui s’y déploie
Combien de plages elle a caressées.
Também o sol não se amua
Nem a ciúmes se aferra
Por saber que à noite, a lua
Com seu luar beija a terra

De même, crois-tu que le soleil
Soit jaloux de la Lune
Qui, la nuit, pose comme un baiser
Sa clarté sur la Terre ?
O amor passado desfaz-se
Só saudades faz vibrar
E um novo amor, quando nasce
É sol ardente a brilhar

Les amours passées se défont,
Il n’en reste que le souvenir,
Mais un nouvel amour qui naît
Est un soleil qui resplendit.
Eu dou-te, em beijos na boca
Pedaços do coração
Como podes minha louca
Duvidar desta afeição

Je pose sur ta bouche avec chaque baiser
Une part de mon cœur.
Folle que tu es, comment peux-tu
Douter de mon amour ?

Delfim Silva (dates biographiques inconnues). Perguntas (vers 1954). Delfim Silva (dates biographiques inconnues). Questions, traduit de : Perguntas (vers 1954) par L. & L.

Fernando Maurício

Je crois que l’un des emplois les plus connus du Fado Carriche est Escrevi teu nome no vento (« J’ai écrit ton nom sur le vent »), créé par Fernando Maurício (1933-2003).

Le très populaire Fernando Maurício, né dans le quartier de la Mouraria — et même dans la fameuse rua do Capelão qui porte à jamais la marque de la mythique Maria Severa — est l’inspirateur de quelques fadistes des générations contemporaines (Ricardo Ribeiro notamment). Il a enregistré Escrevi teu nome no vento à deux reprises : la première, à laquelle il manque une strophe, en 1979 (?), la seconde, à l’interprétation un peu forcée pour mon goût, en 1982. La voici.

Fernando Maurício (1933-2003)Escrevi teu nome no vento. Jorge Rosa, paroles ; Raúl Ferrão, musique (Fado Carriche).
Fernando Maurício, chant ; Armindo Fernandes & Alcino Frazão, guitare portugaise ; Francisco Gonçalves, guitare ; José Vilela, basse acoustique.
Première publication : Portugal, [1982].

Escrevi teu nome no vento
Convencido que o escrevia
Na folha dum esquecimento
Que no vento se perdia

J’ai écrit ton nom sur le vent,
Pensant l’avoir écrit
Sur une page de l’oubli
Que le vent emporterait.
Ao vê-lo seguir envolto
Na poeira do caminho
Julguei meu coração solto
Dos elos do teu carinho

À le voir s’en aller, recouvert
Par la poussière du chemin,
J’ai cru mon cœur délivré
Des chaînes de ton amour.
Pobre de mim, não pensava
Que tal e qual como eu
O vento se apaixonava
Por esse nome que é teu

Hélas, je n’avais pas pensé
Que, comme moi avant lui,
Le vent s’éprendrait
De ce nom qui est le tien.
Em vez de ir longe levá-lo
Longe, onde o tempo o desfaça
Anda contente a gritá-lo
Onde passa e a quem passa

Au lieu de l’emporter au loin
Là où le temps l’effacerait,
Il prend plaisir à le crier
Là où il passe, à ceux qui passent.
E quando o vento se agita
Agita-se o meu tormento
Quero esquecer-te, acredita
Mas cada vez há mais vento

Et quand le vent se fait plus fort
Alors s’éveille mon tourment.
Je veux t’oublier, crois-le bien,
Mais chaque fois enfle le vent.

Jorge Rosa (1930-2001). Escrevi teu nome no vento (19??). Jorge Rosa (1930-2001). J’ai écrit ton nom sur le vent, traduit de : Escrevi teu nome no vento (19??) par L. & L.

La jeune Carminho avait repris Escrevi teu nome no vento dans son premier album, Fado, sorti en 2009. La voici quelques années plus tard, interprétant ce titre en Hollande, à la télévision. « Interpréter » n’est pas le mot juste en l’occurrence : Carminho est capable du meilleur — raison pour laquelle elle est devenue l’une des vedettes du genre — et du pire, comme ici.

Carminho (née en 1984)Escrevi teu nome no vento. Jorge Rosa, paroles ; Raúl Ferrão, musique (Fado Carriche).
Carminho, chant ; Luís Guerreiro, guitare portugaise ; Luís Pontes, guitare.
Vidéo :
Captation : Het Bimhuis, Amsterdam (Pays-Bas). Production : Omroepvereniging VPRO. Pays-Bas, 2014. Première diffusion publique dans l’émission VPRO Vrije Geluiden, le 9 novembre 2014.

6 commentaires leave one →
  1. Avatar de antoinenaik
    antoinenaik permalink
    30 Mai 2024 19:02

    Merci de faire une nouvelle série sur un fado traditionnel, que je ne connaissais pas de surcroit. Celle sur le Proença était également passionnante !

    Il a beau être sans refrain, je ne trouve pas à ce « Fado Carriche » une couleur très fadiste. Il tend plutôt vers la chanson, avec beaucoup de charme il est vrai.

    Pour Mauricio c’est vrai qu’il y a des poussées de voix qui n’ont pas grand sens hormis celle de montrer la puissance de son organe. Et Carminho finit par en faire des tonnes alors qu’il n’en était guère besoin.

    Malgré tout, j’avoue avoir plus d’indulgence pour les excès vocaux ou sentimentaux que pour la froideur, et ces interprétations me plaisent bien (même celle de da Silva).

  2. Avatar de MD1
    MD1 permalink
    31 Mai 2024 14:10

    Un peu de rosserie sur Carminho ne fait pas de mal. Certes. Peut être pourriez vous retrouver une artiste moins affectée dans une prestation de qualité enregistrée durant le Covid dans la chapelle Santo Amaro de Lisbonne. Quant au fado carriche sa valeur lui permet de porter des poèmes variés en particulier dans le répertoire de Katia Guerreiro dans « Rezendi pedi por ti  » et Cristina Branco.

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