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Amália Rodrigues • Maria Lisboa

21 février 2024

Amália Rodrigues (1920-1999)Maria Lisboa. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Nunes, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare.
Enregistrement : Lisbonne, théâtre Taborda (studios Valentim de Carvalho), entre 1960 et 1962.
Première publication dans l’album Amália Rodrigues (« Busto »). Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 1962.

Maria Lisboa est comme la sœur jumelle de Madrugada de Alfama : même auteur (David Mourão-Ferreira), même compositeur (Alain Oulman), même rythme, même tempo enlevé, même argument (un hommage à Lisbonne). Toutes les deux écrites pour l’album « du buste » (Busto, 1962), présentées l’une et l’autre à la télévision en avant-première au cours de la même soirée d’octobre 1961, puis lors d’un récital au théâtre Tivoli de Lisbonne en novembre 1962, quelques jours avant la sortie de l’album « du buste », toutes les deux réenregistrées en 1969 pour l’album Com que voz (1970).

Plus clairement que Madrugada de Alfama, Maria Lisboa est une personnification de Lisbonne, incarnée dans une varina, c’est à dire une vendeuse de rue, personnage typique de la Lisbonne d’autrefois, aujourd’hui disparu. Les varinas vendaient du poisson qu’elles portaient dans une vaste panière posée sur la tête et s’annonçaient par leurs pregões (pregão au singulier), c’est à dire leurs boniments criés qui faisaient partie du paysage sonore de la capitale.

Estúdio Horácio Novais (Lisbonne). « Varinas » sur le Cais da Ribeira à Lisbonne. Sans date.
Estúdio Horácio Novais (Lisbonne). « Varinas » sur le Cais da Ribeira à Lisbonne. Sans date (le studio Horácio Novais a été actif entre 1930 et 1980). Collection de la Biblioteca de Arte, Fundação Calouste Gulbenkian (Lisbonne), cote [CFT164.23391]. CC BY-NC-ND 2.0 Deed.

É varina*, usa chinela,
tem movimentos de gata;
na canastra, a caravela,
no coração, a fragata.

Elle est « varina* », chaussée de mules,
Elle marche comme une chatte ;
Dans sa panière, la caravelle,
Et dans son cœur, la frégate.
Em vez de corvos no chaile,
gaivotas vêm pousar.
Quando o vento a leva ao baile,
baila no baile com o mar.

Sur son châle, au lieu de corbeaux,
Des mouettes viennent se poser.
Quand le vent l’emmène danser,
Elle a l’océan pour cavalier.
É de conchas o vestido,
tem algas na cabeleira,
e nas veias o latido
do motor duma traineira.

Sa robe est de coquillages,
Elle noue des algues à ses cheveux,
Tandis que dans ses veines cogne
Le moteur d’un chalutier.
Vende sonho e maresia,
tempestades apregoa.
Seu nome próprio: Maria;
seu apelido: Lisboa.

Elle vent du rêve et de la marée,
Elle sait prédire les tempêtes.
Son prénom, c’est Marie,
Et son nom, c’est Lisbonne.

David Mourão-Ferreira (1927-1996). Maria Lisboa (vers 1960). David Mourão-Ferreira (1927-1996). Marie Lisbonne, traduit de : Maria Lisboa (vers 1960), par L. & L.
*Varina : ancienne vendeuse de rue à Lisbonne. Les varinas vendaient du poisson qu’elles portaient dans une vaste panière posée sur la tête.

Ici, la version enregistrée en janvier 1969 pour l’album Com que voz (1970) :

Amália Rodrigues (1920-1999)Maria Lisboa. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 7 ou 8 janvier 1969.
Première publication dans l’album Com que voz. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 1970.

L’amusant est qu’on peut suivre l’évolution de l’interprétation de Maria Lisboa par Amália, de sa mise en place jusqu’à la publication de l’album « du buste ». La maison Valentim de Carvalho a publié en 2021, dans une nouvelle édition augmentée de cet album, l’enregistrement d’une fascinante session de travail, avec Alain Oulman au piano, captée en 1960, probablement au domicile de la chanteuse. Elle ne lisait pas la musique : lorsqu’elle hésitait, Oulman lui indiquait la mélodie au piano — dont il ne jouait pas en professionnel ; lui-même hésite parfois. Mais avec quel ravissement devait-il voir, entendre, ce qu’il avait imaginé prendre vie !

Amália Rodrigues (1920-1999)Maria Lisboa (séance de travail). David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Alain Oulman, piano.
Enregistrement : Lisbonne, lieu non précisé, 1960.
Première publication dans la nouvelle édition de l’album Amália Rodrigues (« Busto »). Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 2021.

Enfin, voici la première présentation de Maria Lisboa à la télévision, le 6 octobre 1961, plus d’un an avant la publication de l’album « du buste ».

Amália Rodrigues (1920-1999)Maria Lisboa. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Nunes, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare.
Vidéo :
Extrait de : Amália Rodrigues, récital télévisé diffusé par la Télévision publique portugaise (RTP) le 6 octobre 1961 ; Fernando Frazão, réalisation ; Fernando Pessa, présentation.
Captation : Lisbonne, studios de la RTP de Lumiar, septembre 1961.
Production : Portugal, RTP (Radiotelevisão Portuguesa), 1961.

2 commentaires leave one →
  1. Avatar de antoinenaik
    antoinenaik permalink
    21 février 2024 12:59

    Bravo pour votre traduction ! Une belle trouvaille ce « Tandis que dans ses veines cogne / Le moteur d’un chalutier. »

    De ces deux fados jumeaux, ma préférence va à Maria Lisboa. Peut-être pour son texte, entre surréalisme et portrait à la Arcimboldo…

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