Amália Rodrigues • Fado Lamentos (1951)
Amália Rodrigues (1920-1999) • Fado Lamentos. Amália Rodrigues, paroles & musique.
Amália Rodrigues, chant ; Raul Nery, guitare portugaise ; Santos Moreira, guitare.
Enregistrement : Lisbonne (Portugal), Établissements Valentim de Carvalho, 97-99, rua nova do Almada, 1951.
Première publication dans l’album No Chiado / Amália. Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ 2014.
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Porque mentes tanto?
Mentes sem cessar!
Mentira é a luz do teu olhar.
Mentes quando falas,
Mentes quando te calas.
Mentira é o teu riso e o teu pranto,
Mentira é o teu corpo fremente,
As tuas carícias, os teus beijos,
Falso é o calor fugaz da tua pele ardente
E o ardor dos teus desejos.
Pourquoi mens-tu autant ?
Tu mens sans arrêt !
Mensonge est l’éclat de ton regard.
Tu mens quand tu parles,
Tu mens quand tu te tais.
Mensonges, ton rire et tes larmes,
Mensonges, ton corps frémissant,
Tes caresses, tes baisers,
La chaleur fugace de ta peau ardente
Et la vigueur de tes désirs.
Dentro do teu peito
Tudo é de tal jeito
Que nem tu próprio sabes o que sentes,
Os teus pensamentos
Ao sabor dos ventos
Que nem tu dás por isso quando mentes.
Mas se assim em ti tudo é mentira,
Mente uma vez mais por caridade:
Diz-me que é o desvairo do ciúme que me inspira,
Que o teu amor é verdade!
Au fond de ton cœur,
Tout est tel
Que tu ne sais pas toi-même ce que tu ressens,
Tes pensées
Vont au gré des vents,
Et lorsque tu mens tu ne t’en aperçois même pas.
Mais puisque en toi tout est mensonge,
Mens encore une fois, je t’en prie :
Dis-moi que c’est la jalousie qui m’égare
Et que ton amour est vrai !
Amália Rodrigues (1920-1999). Fado Lamentos (vers 1947).
.Amália Rodrigues (1920-1999). Fado des plaintes, trad. par L. & L. de Fado Lamentos (vers 1947).
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Ce texte torride, qui remonte au moins à 1947, s’est avéré devoir être attribué à Amália Rodrigues elle-même.
L’enregistrement, réalisé à Lisbonne en 1951, est resté inédit jusqu’en 2014, abandonné sur une bande magnétique dépourvue d’indications. Pour autant, ce Fado Lamentos avait été interprété par Amália dans l’un de douze courts-métrages tournés à Madrid en 1947 et projetés à partir de l’année suivante dans les cinémas du Portugal en complément de programme. (De ces films courts, un seul subsiste aujourd’hui.)
Vítor Pavão dos Santos, le rédacteur de l’autobiographie d’Amália, qui était à la fois un admirateur de très longue date, puis un ami de la chanteuse, s’en souvient :
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Un jour, Frederico Santiago me dit qu’il y avait, dans les vieilles bobines de la maison Valentim de Carvalho, une chanson non identifiée : personne n’avait la moindre idée de ce que c’était, sinon qu’il s’agissait d’Amália chantant quelque chose qui parlait de mensonges. J’ai dressé l’oreille et j’ai demandé à Frederico qu’il m’en apporte une copie. Et subitement je me suis trouvé transporté à l’Éden [cinéma] par une chaude soirée de printemps, alors que j’avais dans les 8 ans. Avant le film, passait un court-métrage avec Amália chantant « Fado Lamentos », dont [il était indiqué qu’]elle était l’autrice des paroles, ce qui a suscité une certaine rumeur dans cette salle énorme et pleine, une rumeur d’incrédulité, du genre : « Alors maintenant Amália écrit de la poésie ? »
Vítor Pavão dos Santos. Amália e os seus segredos mais bem escondidos, dans le livret d’accompagnement du CD Amália no Chiado, Lisboa, Valentim de Carvalho, 2014, p. [31]. Trad. L. & L.
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(Frederico Santiago est l’éditeur intellectuel de la réédition systématique en cours de l’œuvre enregistré d’Amália.) L’intérêt de cette anecdote réside dans le scepticisme du public en lisant au générique que les paroles du fado étaient d’Amália. Dans son ouvrage Amália e os poetas : o Fado na tua voz (Lisbonne, Bertrand, 2014), Pavão dos Santos ajoute que même son père, avec qui il se trouvait au cinéma ce soir-là, pensait que quelqu’un d’autre — un homme, bien sûr : Ricardo Espírito Santo, banquier, collectionneur d’art et joueur de tennis, une relation d’Amália — les avait peut-être écrites pour elle. Or elle a été une parolière prolifique à l’extrême. Mais ayant beaucoup tardé à se faire enregistrer à la société portugaise de gestion des droits d’auteur, elle n’a pas été créditée de ses propres œuvres sur les pochettes de disque pendant de longues années.
Ce n’est pas tout : selon un document de l’époque (un prospectus annonçant, au programme d’un cinéma, le court-métrage Fado Lamentos), Amália serait aussi responsable de la musique dudit morceau — ce qui est bien plus étonnant : on peut compter ses autres compositions sur les doigts d’une main (Quando se gosta de alguém en 1980, plus deux « arrangements » dans l’album Obsessão de 1990, sauf omissions) et, bien que beaucoup plus tardives, elles me semblent moins élaborées que celle-ci.
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