Fado Triplicado. 3. Maria Teresa de Noronha
- Fait suite à : Fado Triplicado. 1. Baile dos Quintalinhos
- Et à : Fado Triplicado. 2. La « rime triplée »
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Un dernier tour de « Triplicado », en hommage à Maria Teresa de Noronha, l’une des grandes stylistes vocales du fado de Lisbonne. Dans cette émission de télévision captée en décembre 1967, elle arborait son impeccable brushing habituel, arrangé selon la mode en usage à Buckingham Palace à la même époque (ainsi qu’il seyait à la comtesse qu’elle était).
On appréciera la prodigieuse maîtrise du chant, subtilement virtuose. Le poème est hélas assez médiocre, comme souvent dans le répertoire de la fadiste.
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Maria Teresa de Noronha (1918-1993) • Desengano. Mário Piçarra Almeida, paroles ; José Marques « Piscalarete », musique (Fado Triplicado).
Maria Teresa de Noronha, chant ; Raul Nery & Carlos Gonçalves, guitare portugaise ; Júlio Gomes & Joaquim do Vale, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Vidéo : extrait de Estúdio C (émission de télévision). Enregistrement : Lumiar (Lisbonne), studios de la RTP, 22 décembre 1967. Diffusion : RTP, 12 janvier 1968. Production : Portugal, Rádio e Televisão de Portugal (RTP), 1968.
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Desengano (« Désillusion ») de Mário Piçarra Almeida, sur la musique du Fado triplicado de José Marques « Piscalarete », n’applique pas complètement les contraintes de la « rime triplée » (voir le billet précédent). Ici la rime interne des deuxième et cinquième vers n’est généralement pas respectée. Elle l’est parfois, mais d’une manière qui semble erratique, et pas toujours là où elle est attendue.
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E adorei-te, acreditei
No bem que eu ambicionei
Dum amor, sinceridade;
As tuas promessas puras
E o calor das tuas juras
Tinham a luz da verdade.
Et je t’ai adoré, j’ai cru trouver
Ce que je recherchais
Dans un amour : la sincérité.
Tes promesses pures
Et la chaleur de tes serments
Avaient l’éclat de la vérité.
Mas um dia te esqueceste
De tudo o que me disseste
Em confissões tão ardentes;
Iludiste duas vidas
Com mil palavras fingidas
Que não sentiste nem sentes!
Mais un jour tu as oublié
Tout ce que tu m’avais dit
Dans tes brûlants aveux.
Tu as mystifié deux vies
Avec de belles paroles
Auxquelles tu n’as jamais cru !
Ao contemplar o passado,
Como um golpe já fechado
Que ainda sinto doer,
Vejo em teus falsos carinhos
Que as rosas têm espinhos
E também fazem sofrer.
Quand je repense au passé,
Comme à une blessure refermée
Mais qui m’élance encore,
Je vois à tes fausses tendresses
Que les roses ont des épines
Et aussi qu’elles blessent.
Mário Piçarra Almeida. Desengano (1961).
.Mário Piçarra Almeida. Désillusion, trad. par L. & L. de Desengano (1961).
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Merci pour cette série de billets sur le fado triplicado, c’est passionnant. Je l’avais déjà entendu plusieurs fois à Lisbonne sans être capable de l’identifier.
Pour Maria Teresa de Noronha, j’admire sa grande maîtrise et la finesse de son interprétation, mais je vous avoue que le résultat ne me touche guère. Elle me paraît étrangement en retrait de son propre chant. Pudeur aristocratique sans doute, mais dans le fado cela me frustre un peu.
Quant à Marie-Thérèse, le fait est que ce texte ne convient pas à un Triplicado. Le résultat n’est en effet pas des meilleurs. Même les guitaristes, qui ne sont pourtant pas n’importe qui, semblent retenus.
Mais quand même, son Fado das horas ! Et son Pintadinho !
Oui je suis d’accord avec vous, elle fait merveille ailleurs (le « Fado das horas » notamment est splendide). Il n’empêche que je lui préfère des fadistes dont l’expression me paraît plus spontanée.