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Amália Rodrigues • Água e mel

26 juillet 2021

Amália Rodrigues (1920-1999)Água e mel. Carlos Barbosa de Carvalho, paroles ; Miguel Ramos, musique (Fado Miguel).
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare classique. Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 1964.
Première publication : Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ 1989.

Ce fado, Água e mel (« Eau et miel ») a été enregistré par Amália Rodrigues en 1964 au cours des sessions de l’album Fado português, paru en 1965. Pour Amália, les années 1960 sont celles de l’évolution vers un nouveau répertoire, plus sophistiqué que celui du Fado traditionnel, porté par les compositions d’Alain Oulman et par des textes puisés dans la riche littérature poétique, ancienne et contemporaine, du Portugal. C’est aussi la décennie de la splendeur vocale, alliée à un art de l’interprétation incomparable, qui ne cesse de se perfectionner et qui atteindra son plein épanouissement avec les enregistrements de Com que voz réalisés en 1969.

L’album Fado português comporte huit compositions d’Alain Oulman, sur des poèmes d’auteurs reconnus (Alexandre O’Neill, José Régio, David Mourão Ferreira, Pedro Homem de Mello), ainsi que sur une « cantiga de amigo » médiévale du troubadour Mendinho et sur le sonnet Erros meus, má fortuna, amor ardente (« Mes erreurs, un mauvais sort, l’amour ardent ») du grand Luís de Camões, le poète des poètes. En dépit de sa mélodie spectaculaire qui convenait à merveille à la voix de la fadiste, Água e mel ne peut se prévaloir du prestige d’une si grande signature quant à son texte, fourni par Carlos Barbosa de Carvalho, frère du directeur de la maison de disques d’Amália, Rui Valentim de Carvalho. Un vers en particulier : « Fui pela estrada nacional » (« Je suis partie sur la route nationale »), gênait Amália qui ne l’a pas retenu pour l’album de 1965.

Il est resté inédit jusqu’à son inclusion, en 1989, dans une compilation réalisée à l’occasion des 50 ans de carrière d’Amália (Amália 50 anos). On le trouve en outre dans l’édition augmentée de Fado português publiée en 2015.


Entre os ramos de pinheiro
Vi o luar de Janeiro
Quando ainda havia sol.
E numa concha da praia
Ouvi a voz que desmaia
Do secreto rouxinol.

Entre les branches des pins
J’ai vu la lune de janvier
Quand le soleil brillait encore.
Et dans le creux d’un coquillage
J’ai entendu s’éteindre
La voix secrète du rossignol.

Com água e mel
Comi pão com água e mel
E do vão duma janela
Beijei sem saber a quem.
Tenho uma rosa
Tenho uma rosa e um cravo
Num cantarinho de barro
Que me deu a minha mãe.

De l’eau et du miel,
J’ai mangé du pain avec de l’eau et du miel
Et de l’embrasure d’une fenêtre
J’ai embrassé des inconnus.
Je possède une rose,
Une rose et un œillet,
Dans une cruche en terre
Que m’a donnée ma mère.

Fui pela estrada nacional
E pela mata real
Atrás dum pássaro azul.
No fundo dos olhos trago
A estrada de Santiago
E o cruzeiro do Sul.

Je suis partie sur la grand route
Et dans la forêt royale
À la poursuite d’un oiseau bleu.
Je porte au fond des yeux
La route de Saint-Jacques
Et la Croix du Sud.

Abri meus olhos
Abri meus olhos ao dia
E escutei a melodia
Que ao céu se eleva do pó
Do vinho novo
Se provei o vinho novo
Se amei o rei e o povo
Meu Deus por que estou tão só.

J’ai ouvert les yeux,
J’ai ouvert les yeux au jour,
J’ai écouté la mélodie
Qui de la poussière s’élève au ciel.
Du vin nouveau,
Si j’ai goûté au vin nouveau,
Si j’ai aimé et le peuple et le roi,
Mon Dieu, pourquoi suis-je si seule ?
Carlos Barbosa de Carvalho (1924-1994). Água e mel (1964).
.
Carlos Barbosa de Carvalho (1924-1994). Eau et miel, trad. par L. & L. de Água e mel (1964).

Água e mel a été repris par Cristina Branco dans son album Live (2006). Par ailleurs, sur cette même musique du guitariste Miguel Ramos, surnommée Fado Miguel, Mísia a enregistré en 1999 Paixões diagonais (« Passions diagonales », paroles de João Monge), en deux versions, dont une avec accompagnement de piano seul par rien moins que Maria João Pires — et la voix qui tire un peu dans certains aigus. Par coïncidence, l’album Paixões diagonais qui contient ces deux enregistrements est paru en France le 6 octobre 1999, le jour même de la disparition d’Amália Rodrigues.

MísiaPaixões diagonais. João Monge, paroles ; Miguel Ramos, musique (Fado Miguel).
Mísia, chant ; Maria João Pires, piano. Enregistrement : Lisbonne, studios Xangri La, 1er juillet 1999.
Extrait de l’album Paixões diagonais / Mísia. France, Erato, ℗ 1999.

Do que fala a madrugada
O murmúrio na calçada
Os silêncios de licor?
Do que fala a nostalgia
De uma estrela fugidia?
Falam de nós, meu amor.
Do que sabem as vielas
E a memória das janelas
Ancoradas no sol-pôr?
Do que sabem os cristais
Das paixões diagonais?
Sabem de nós, meu amor.
Porque volta esta tristeza
O destino à nossa mesa
O silêncio de um andor?
Porque volta tudo ao mar
Mesmo sem ter de voltar?
Voltam por nós, meu amor
Porque parte tudo um dia
O que nos lábios ardia
Até não sermos ninguém?
Tudo é água que corre
De cada vez que nos morre
Nasce um pouco mais além.
De quoi parlent l’aube,
Le murmure sur le pavé
Les silences de liqueur ?
De quoi parle la nostalgie
D’une étoile fugitive ?
Ils parlent de nous, mon amour.
Que savent les rues ?
De quoi se souviennent les fenêtres
Ancrées dans le couchant ?
Et que connaissent les cristaux
Des passions diagonales ?
Ils nous connaissent, mon amour.
Pourquoi cette tristesse revient-elle ?
Et le destin à notre table ?
Les saints muets des processions ?
Pourquoi tout retourne-t-il à la mer
Sans même le vouloir ?
C’est pour nous, mon amour.
Pourquoi tout s’en va-t-il un jour,
— Tout ce qui embrasait nos lèvres
Jusqu’à nous anéantir ?
Tout est fleuve qui s’écoule
Et ce qui meurt en nous
Renaît ailleurs, mon amour.
João Monge. Paixões diagonais.
João Monge. Passions diagonales, traduit de : Paixões diagonais, par L. & L.

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