Milva
Milva est morte avant-hier, vendredi 23 avril, à l’âge de 81 ans.
Sa longue carrière — plus de cinquante ans —, commencée dans la variété italienne dès 1961, a rapidement pris une tournure singulière, se distinguant par son éclectisme de celle se ses collègues de l’époque restées fidèles à la chanson nationale. Ses Canti della libertà (1965) incluent la fameuse Addio a Lugano, chanson anarchiste de la fin du XIXe siècle et La Carmagnole. Ses quelques incursions dans la chanson française la portent très naturellement vers le répertoire d’Édith Piaf, dont elle publie en 1970 un album de versions italiennes. La voici dans Simone, adaptation de Ça n’a pas d’importance, une chanson de Mac Orlan et Victor Marceau créée par Germaine Montero :
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Milva (1939-2021) • Simone (Ça n’a pas d’importance). Giorgio Calabrese, paroles italiennes ; Victor Marceau, musique. Adaptation de Ça n’a pas d’importance. Pierre Mac Orlan, paroles originales.
Milva, chant ; Roberto Negri, piano ; Ferdinando Nebuloni, violon ; Ettore Cenci, guitare ; Giorgio Azzolini, basse ; Gianni Zilioli, accordéon ; Mario Lamberti, batterie ; Roberto Negri, arrangements & direction.
Enregistrement public réalisé à Milan (Italie), Piccolo Teatro di Milano, octobre 1977. Extrait d’un spectacle musical de Filippo Crivelli.
Extrait de l’album Canzoni tra due guerre / Milva. Italie : BMG, ℗ 1978.
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Sa rencontre avec le metteur en scène Giorgio Strehler (1921-1997) est l’un des événements décisifs de sa carrière. Sous sa direction, elle joue et chante Brecht. Témoin de cette collaboration, l’impeccable album Milva canta Brecht (1971), avec un remarquable accompagnement de piano de Walter Baracchi :
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Milva (1939-2021) • Ballata della donna del soldato nazista. Giorgio Strehler, paroles italiennes ; Hans Eisler, musique. Adaptation de Und was bekam des Soldaten Weib. Bertolt Brecht, paroles originales.
Milva, chant ; Walter Baracchi, piano.
Extrait de l’album Milva canta Brecht / diretta da Giorgio Strehler. Italie : Ricordi, ℗ 1978.
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Quant à moi, je garde le souvenir de ce spectacle extraordinaire nommé El Tango, qui réunissait Astor Piazzolla, à la tête de son Quinteto Tango nuevo, et Milva. C’était à Paris, en 1984, au théâtre des Bouffes du Nord.
Un enregistrement sonore en a été réalisé et publié presque immédiatement, en France et en Allemagne, sous la forme d’un album intitulé Live at the Bouffes du Nord. On y trouve quelques-unes des meilleures versions qui existent des grandes chansons de Piazzolla, telles que la Balada para un loco, Preludio para el año 3001 et d’autres.
Morirò in Buenos Aires (Balada para mi muerte en v.o.), chanté en italien, était le deuxième morceau du concert, celui sur lequel la chanteuse effectuait son entrée, après un instrumental. Dans ce théâtre magique des Bouffes du Nord, alors que le noir complet s’était fait dans la salle, l’apparition de Milva surgissant à contre-jour de cette porte qui s’ouvre sur le côté cour de la scène (celui où je me trouvais, au premier ou au deuxième rang), est resté pour moi inoubliable, comme d’ailleurs le spectacle entier. « Je mourrai à Buenos Aires, à l’aube / Je regarderai avec douceur les choses de la vie. » D’emblée l’évocation de la mort, et Milva à la fois tragédienne et chanteuse.
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N.B. : La vidéo s’interrompt malheureusement une vingtaine de secondes en son milieu, entre 2:05 et 2:25.
Milva (1939-2021) • Morirò in Buenos Aires. Horacio Ferrer, paroles originales ; Angela Tarenzi, adaptation italienne ; Ástor Piazzolla, musique. Adaptation de Balada para mi muerte. Horacio Ferrer, paroles originales.
Milva, chant ; Ástor Piazzolla, bandonéon ; Quinteto Tango nuevo (Pablo Ziegler, piano ; Fernando Suárez Paz, violon ; Oscar López Ruiz, guitare électrique ; Héctor Console, contrebasse).
Captation du spectacle El Tango présenté au théâtre des Bouffes du Nord, Paris, septembre 1984.
Vidéo : aucune information.
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Milva n’a à vrai dire cessé de collaborer avec des artistes aussi divers que Franco Battiato, Míkis Theodorákis, Ennio Morricone, la poétesse Alda Merini et tant d’autres, jusqu’à ce qu’elle décide, au début des années 2010, de mettre fin à sa carrière.
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Strelher, Berio, Piazzolla, Theodorakis, Battiato, Mikroutsikts, Morricone, Vangelis…