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Amália Rodrigues • Le fado de Paris

7 février 2021

Paris. Années 1950. Photographe non précisé. Téléchargé par RV1864 sur Flickr
Paris. Années 1950. Photographe non précisé. Téléchargé par RV1864 sur Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Miguel Carvalho (né en 1970) est grand reporter à l’hebdomadaire Visão. Il a publié sept ouvrages d’investigation (non traduits), parmi lesquels Álvaro Cunhal, íntimo e pessoalÁlvaro Cunhal, intime et personnel », 2006), A última criada de Salazar (« La dernière domestique de Salazar », 2013) et, l’an dernier, Amália, ditadura e revolução : a história secreta (« Amália, dictature et révolution : l’histoire secrète »), à l’occasion du centenaire de la naissance d’Amália Rodrigues (1920-1999).

Miguel Carvalho. Amália, ditadura e revolução. Dom Quixote, 2020.Ce dernier livre, qui compte plus de 600 pages, résulte d’une enquête abondamment documentée et s’appuie sur des sources multiples : archives, publications diverses, témoignages recueillis, parfois directement, auprès de personnes mêlées de près ou de loin à la vie d’Amália Rodrigues et/ou de divers protagonistes de cette micro-histoire imbriquée dans l’histoire du XXe siècle portugais, partagé entre dictature, révolution et « normalité démocratique ». Il ne dresse pas seulement le portrait d’Amália — qui apparaît ici infiniment plus vivante, humaine et incarnée que dans son autobiographie publiée en 1987 (Vítor Pavão dos Santos & Amália Rodrigues. Amália : uma biografia. Portugal, Contexto, 1987) — mais aussi celui de plusieurs décennies de vie politique portugaise et de société lisboète à travers une galerie de personnages d’une incroyable profusion.

Il y a cependant dans ce livre un passage qui m’intrigue beaucoup. Voici :

L’époque empestait déjà la fin du régime. Et en février 1974, Amália donnait sa dernière grande interview sous la dictature, à l’invitation de son amie la journaliste Vera Lagoa*, pseudonyme de Maria Armanda Falcão.
[…]
Elles s’étaient pour ainsi dire télescopées en août 1944, le jour de la Libération de Paris, à la fin de la Seconde guerre mondiale. Elles ne se connaissaient pas, mais ce soir-là elles se trouvaient l’une et l’autre dans une boîte du côté de Pigalle. Quand Amália a sauté sur une table pour chanter, Maria Armanda n’a pu détacher son regard de ce personnage qui étreignait le moment sans complexe ni pudibonderie. Elles ont dansé jusqu’au matin.
Leur amitié à résisté à l’adversité, aux vicissitudes et à la révolution.
Libres, insoumises et indépendantes, Vera Lagoa et Amália Rodrigues avaient un regard identique sur de nombreux sujets, notamment l’émancipation des femmes.
Miguel Carvalho. Amália, ditadura e revolução (2020). Portugal, Dom Quixote, 2020, ISBN 978-972-20-7044-7. Page 218. Traduction L. & L.

*Vera Lagoa, alias Maria Armanda Falcão (1917-1996), première présentatrice de la télévision portugaise, était une femme engagée à gauche et qui, en tant que journaliste, a donné après la Révolution des œillets du fil à retordre à bien des personnages publics se disant eux-mêmes de gauche, voire d’extrême-gauche, dont elle n’hésitait pas à mettre publiquement en doute la sincérité, notamment dans un livre intitulé « Revolucionários que eu conheci » (« Des révolutionnaires que j’ai connus », 1977, non traduit).

Esses tempos já tresandavam a fim do regime. E em fevereiro de 1974, Amália daria a sua última grande entrevista em ditadura, a convite da amiga e jornalista Vera Lagoa, pseudónimo de Maria Armanda Falcão.
[…]
Tinham esbarrado uma na outra em agosto de 1944, no dia da libertação de Paris, no final da Segunda Guerra Mundial. Não se conheciam, mas nessa noite coincidiram numa boîte da zona de Pigalle. Quando Amália saltou para cima de uma mesa a cantar, Maria Armanda não podia deixar de reparar na figura que, destemida, abraçava o momento e não se recolhia em pudores. Dançaram até de manhã.
A amizade resistiu a desventuras, vicissitudes e à revolução.
Livres, insubmissas e independentes, Vera Lagoa e Amália Rodrigues tinham um olhar idêntico sobre varios assuntos, entre eles a emancipação das mulheres.

Miguel Carvalho. Amália, ditadura e revolução (2020). Portugal, Dom Quixote, 2020, ISBN 978-972-20-7044-7. Page 218.

Miguel Carvalho ne donne pas la source de cette anecdote, qui semble assez improbable. Pourquoi et surtout, comment Amália Rodrigues, jeune chanteuse portugaise de 24 ans, se serait-elle trouvée en août 1944 à Paris, dans un pays encore en guerre, alors qu’il est établi qu’elle ne s’y est produite pour la première fois qu’en 1949 ?

Amália Rodrigues (1920-1999)Le fado de Paris. Luís de Macedo, paroles ; Fernando de Carvalho, musique. Titre alternatif : O fado veio a Paris.
Amália Rodrigues, chant ; accompagnement d’orchestre ; Fernando de Carvalho, direction.
Extrait du disque 45 t Chante en français, accompagnée par ses guitaristes / Amália Rodrigues. France : Ducretet-Thomson, ℗ 1958.


Quando em Lisboa o povo mal me conhecia
O que era o fado eu quis saber
E tanto andei e perguntei a quem sabia
Que finalmente pude aprender.

Quand à Lisbonne on me connaissait à peine,
J’ai voulu savoir ce qu’était le fado.
Et à force de questions à ceux qui savent,
J’ai fini par l’apprendre moi aussi.

Certo dia ao passar numa rua em Lisboa
Um amigo poeta e cantor
Murmurou-me ao ouvido e a medo:
O segredo do fado em Lisboa é o amor!

Un jour, dans une rue de Lisbonne,
Un ami poète et chanteur
M’a murmuré craintivement à l’oreille :
Le secret du fado de Lisbonne, c’est l’amour !

O fado veio a Paris
Alfama veio a Pigalle
E até o Sena
Se queixa de pena
Que o Tejo não quis sair de Portugal.
O fado veio a Paris
Alfama veio a Pigalle
E até Saint-Germain-des-Prés
Já canta o fado em francês.

Le fado est venu à Paris,
Alfama est venu à Pigalle
Et même la Seine
Déplore que le Tage
Ne veuille pas sortir du Portugal.
Le fado est venu à Paris,
Alfama est venu à Pigalle
Et même Saint-Germain-des-Prés
Chante à présent le fado en français.

Vim a Paris para cantar e ser fadista
Por certo, não pensa ninguém
Que a mesma história de Lisboa e do fadista
Aconteceu aqui também.

Je suis venue à Paris pour chanter et être fadiste.
Bien sûr, personne n’imagine
Que cette histoire de Lisbonne et du fadiste
Se répète ici.

Certo dia ao entrar num bistrot
P’ra ouvir a Java, alguém disse: Bonjour
Amália, c’est fini t’as trouvé le secret
D’la chanson de Paris c’est l’amour !

Pourtant un jour, dans un bistrot où j’entrais
Écouter la java, quelqu’un m’a dit « Bonjour
Amália, c’est fini t’as trouvé le secret
D’la chanson de Paris c’est l’amour ! »
Luís de Macedo (1925-1987). Le fado de Paris (1958).
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Luís de Macedo (1925-1987). Le fado de Paris (1958), trad. par L. & L.

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Mily Possoz (1888-1968). Paris - Quai Voltaire (1930-1937). Lisbonne, MNAC (Museu Nacional de Arte Contemporânea), Museu do Chiado.

One Comment leave one →
  1. 8 février 2021 14:21

    J’adore cette chanson !!!!

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