Le Soleil en Balance
— Tiens, regarde, prenons par exemple l’été 1980, Jupiter en conjonction avec Saturne en Balance. Une conjonction puissante. Jupiter représente le pouvoir. Saturne, les ouvriers. Qui plus est, Wałęsa a le Soleil en Balance. Tu vois ?
Dyzio acquiesçait mollement de la tête.
— Et la police ? Qu’est-ce qui représente la police dans le ciel ?
— Pluton. Il représente aussi les services spéciaux et la mafia.
Olga Tokarczuk. Sur les ossements des morts, traduit de Prowadź swój pług przez kości umarłych (2009) par Margot Carlier. Libretto, impr. 2019, ISBN 978-2-36914-115-0, page 128.
- Olga Tokarczuk est l’invitée de l’émission La grande table sur France culture, aujourd’hui lundi 7 décembre 2020.
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Człowiek z żelaza (1981). Extrait. Titre français : L’homme de fer. Andrzej Wajda, réalisation ; Aleksander Ścibor-Rylski, scénario ; Edward Kłosiński, photographie ; Andrzej Korzyński, musique. Distribution : Jerzy Radziwiłowicz (Maciek Tomczyk, Mateusz Birkut), Krystyna Janda (Agnieszka), Marian Opania (Winkel), …. Production : Pologne, 1980. Sortie : Pologne, 1981.
Chanson du générique de fin :
Ballada o Janku Wisniewskim. Paroles attribuées à Krzysztof Dowgiałło ; musique d’Andrzej Korzyński d’après la mélodie originale de Mieczysław Chołewa.
Krystyna Janda, chant ; Jacek Kaczmarski, Przemysław Gintrowski, guitare ; Andrzej Korzyński, direction.
Pologne, ℗ 1981.
La chanson du générique (« Ballade sur Janek Wisniewski ») fait référence à un événement survenu lors des « Émeutes de la Baltique » qui ont éclaté en 1970 dans le Nord de la Pologne en raison d’une augmentation soudaine du coût de la vie décidée par le pouvoir. Ces émeutes, lourdement réprimées par l’armée et la police qui avaient reçu l’ordre de tirer sur les ouvriers, ont fait plusieurs dizaines de morts. Un jeune homme en particulier, Janek Wisniewski (en réalité : Zbyszek Godlewski), abattu à Gdynia le 17 décembre 1970, est devenu le symbole de toutes les victimes des émeutes. Son corps, étendu sur une porte, a été porté dans les rues de Gdynia, notamment la grande artère de la ville, la rue Świętojańska.
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En France on prononce Solidarność : « Solidarnosque » ou, parfois : « Solidarnoche ». Lech Wałęsa : Lèche Valésa. De même, Gdańsk sonne comme « danse » : Gdanssque. Dans la bouche de Marguerite Duras cependant, ce nom de Gdańsk est proféré dans un cahot de la gorge, comme un mot vietnamien :
Marguerite Duras (1914-1996). « Et Gdansk qui fait trembler », extrait de La jeune fille et l’enfant, adapté par Yann Andréa de L’été 80, de Marguerite Duras, lu par elle-même. 1981.
C’est ainsi qu’il faut lire L’été 80 – en écoutant en soi-même la voix de M. D. parlant de Gdańsk, ce lieu « au plus loin de nous ».
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J’essaie de téléphoner à des amis anciens, personne n’est là, il n’y a personne nulle part. Les gens ne savent plus voir le bonheur qu’est Gdansk parce qu’il est de nature révolutionnaire et que la pensée révolutionnaire a quitté les gens. Je téléphone aux Renseignements, je demande le nom exact de la compagnie aérienne polonaise. Un jeune homme répond presque aussitôt : les Lignes Aériennes Polonaises, il me donne l’adresse et le numéro de téléphone. Il me dit : vous n’aurez pas de place dans les avions pour Gdansk, ils ne veulent pas qu’on aille voir. On parle quelques minutes. Il est pour la grève mais il croit qu’elle va rater. Je dis qu’elle va sans doute rater, oui, que les revendications sont énormes, enfin je parle de Gdansk avec quelqu’un, tellement énormes, les connaît-il ? Pas très bien. Il est 1 heure du matin, il a envie de parler lui aussi. Je lui dis : ils veulent tout, ils ne céderont sur aucun point, ils veulent des choses que nulle part on ne leur accorderait, même dans les pays les plus riches. Il me demande : mais qui êtes-vous, une journaliste ? Je dis que non, que rien, que j’avais envie de parler de Gdansk avec quelqu’un. Ah, c’était ça. Je dis oui. Il dit que ça arrive souvent, dans la nuit, des gens qui ont envie de parler mais en général pas de politique, de leur vie. Je dis que quelquefois c’est pareil. Il me demande si j’ai peur pour Gdansk. J’hésite et je dis que non, je ne dis pas que la réussite ou l’échec de la grève de Gdansk m’est indifférent. Je dis que je suis heureuse que cela ait eu lieu, et lui ? Il dit qu’il n’est pas assez au courant, qu’il ne sait pas.
Marguerite Duras (1914-1996). L’été 80 (recueil d’articles parus dans le quotidien Libération entre juin et août 1980). Dans : Œuvres complètes III / Marguerite Duras, Gallimard, impr. 2014 (Bibliothèque de la Pléiade ; 596), ISBN 978-2-07-012229-5, pages 832-833.
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À écouter :
- 1967-1989 : Et la Pologne fit pop. Émission Juke-box du samedi 2 février 2019. Amaury Chardeau, producteur et participant ; Agnès Cathou, réalisatrice. France : France-Culture, 2019.
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*Les folies des corps célestes*, Kora et Maanam en 1981
La froideur de Saturne a frappé la Terre / Saturn zimnem Ziemię smaga
et la glace pénétre dans mon cœur / Lód się w moje serce wkrada
S’installe dans l’œil / W oku chętnie się sadowi
et refroidi mes rêves. / I marzenia moje chłodzi.
Le temps me mange en silence / Czas od pięt mnie cicho zjada
et court chez les voisins / Truchtem biegnie do sąsiada
éteint les lueurs,étouffe les paroles, / Gasi blaski,dusi słowa
et cache les joies dans la manche. / Radość do rękawa chowa
Les planètes sont en délire,en délire,en délire, / A planety szaleją,szaleją,szaleją
et elles rient,et rient,et rient / I śmieją się,śmieją się,śmieją.
Tout a fait stupéfiant ! Merci. (Le style musical fait un peu penser à Siouxie and the Banshees et ce genre de groupes d’alors…)
Vous lisez Olga Tokarczuk?
J’ai lu Sur les ossements des morts il y a quelques semaines. Là, j’ai une lecture de Henry James en cours, mais j’ai un autre livre d’Olga Tokarczuk qui m’attend ensuite : Dieu, le temps, les hommes et les anges (Prawiek i inne czasy). Vous aimez ?
Je la trouve sympathique,mais je ne l’ai pas lu encore, je n’ai pas beaucoup de temps libre. Quant à Henry James,j’aime beaucoup ‹Une bête dans la jungle›, après avoir vu une adaptation de ce texte,avec Delphine Seyrig et Sammy Frey.
Adaptation de Marguerite Duras, il me semble 🙂
Quant à Olga, « Sur les ossements des morts » est très très bien. C’était vraiment une lecture satisfaisante.