Amália Rodrigues | Padroeira
Mas o amor nunca mais veio;
Nossa Senhora não quis.
Pedro Homem de Melo (1904-1984). Padroiera (extrait)Mais l’amour n’est jamais revenu ;
Notre Dame ne l’a pas voulu.
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6 octobre 1999 : il y a 20 ans mourait Amália Rodrigues.
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Amália Rodrigues (1920-1999) | Padroeira. Pedro Homem de Melo, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; ensemble instrumental.
Captation : Paris, Olympia, janvier 1992.
Vidéo : April in Portugal Song, août 2019 (mise en ligne).
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Il est resté de cette fin de vie une impression de grande tristesse : la chanteuse avait vu sa voix s’abîmer dès le début des années 1980, mais il lui fallait absolument, sous peine d’en mourir, se produire partout dans le monde, revenir inlassablement dans les théâtres de ses triomphes passés, y chanter encore. Certains soirs le flot de cailloux et d’impuretés de toutes sortes qui encombrait désormais son chant semblait se tarir, et le concert était inoubliable. Mais souvent sa voix était comme prise dans une gangue qui la détimbrait et lui refusait la justesse.
En mars 1990, Alain Oulman, le compositeur de Com que voz, Gaivota, Abandono et autres, à qui elle vouait autant d’admiration que d’amitié, meurt subitement à Paris où, devenu éditeur, il résidait depuis 1967. La vidéo ci-dessus est une véritable rareté : filmée au cours du récital d’Amália Rodrigues à l’Olympia en janvier 1992, elle contient un inédit. La captation est artisanale, réalisée probablement depuis le pied de la scène au moyen d’un appareil photo de l’époque ; le son en est très mauvais, de sorte que même la présentation de la chanson, effectuée en français, est difficilement audible. Quelques bribes sont intelligibles et permettent de reconstituer le discours : il est question d’un « hommage » à « un grand ami à moi […], Alain Oulman », et de la « dernière musique » qu’il ait composée. La fin est plus claire : « … très triste […] mais je le chante parce que moi aussi je suis triste, comme lui était. D’Alain, Padroiera [c’est le titre]. Pedro Homem de Melo e Alain Oulman. »
Padroiera (« patronne », ou « sainte patronne ») est donc la dernière composition d’Alain Oulman, sur un poème de Pedro Homem de Melo (1904-1984) – dont je n’ai trouvé aucune trace sur l’Internet. Et j’ai eu beau écouter, réécouter cette vidéo, ainsi que l’enregistrement d’une répétition qu’on trouve sur le Web et dont le son est à peine moins mauvais, je n’y comprends quasiment rien. Quelques vers complets, quelques lambeaux par ci par là, c’est tout. Il est vrai que mon portugais ne s’améliore pas, au contraire.
Le poème est fait que quatre quatrains, tous suivis du même vers en forme de refrain : « Nossa Senhora não quis » (« Notre Dame ne l’a pas voulu »). Le premier quatrain commence par « Rosa que eu trago em meu seio » (« Rose que je porte à la poitrine ») et se clôt par « Mas o amor nunca mais veio » (« Mais l’amour n’est plus jamais venu »). Le dernier pourrait être (sans certitude aucune) :
Perdão perdão Padroiera
P’ra fazer o que desfiz
Só sei cantar à maneira
Do povo do meu paísPardon, pardon, sainte patronne,
Pour faire ce que j’ai défait
Je ne sais que chanter
Comme le peuple de mon pays.
Je ne suis raisonnablement sûr que des deux derniers vers.
Amália Rodrigues chantera à nouveau Padroiera au Coliseu dos recreios à Lisbonne, lors du dernier récital de sa vie, en décembre 1994 (il en existe un enregistrement, dont l’écoute est cruelle). Elle était à l’époque extrêmement affaiblie par un cancer des poumons, dont elle sera opérée l’année suivante. Sa voix n’y survivra pas : détruit, le chant ne reviendra jamais.
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