La voix de la gare
Elle dit : L’intercités numéro 4567, en provenance de Marseille-Saint-Charles et à destination de Bordeaux-Saint-Jean, départ initialement prévu à 18h57, est annoncé voie D. Il dessert Toulouse-Matabiau. Il est sans arrêt jusqu’à Toulouse-Matabiau.
La voix qui dit cela est ronde et chantante, agréablement rythmée, très musicale, pleine d’une joie à peine contenue. Elle annonce cet événement qui est en instance de se produire comme la promesse d’un délice, d’un bonheur imminent.
Puis elle poursuit, sur un ton de confidence : Il est rappelé aux personnes accompagnant les voyageurs de ne pas monter à bord du train.
La voix a changé. Il y a une alerte en elle, de la gravité. On pressent tout à coup qu’il suffirait d’un rien, d’une inadvertance — ne serait-ce que le pied d’une personne accompagnant un voyageur posé sur le marchepied d’une voiture de ce train qui vient — pour que le malheur fonde sur celui qui s’autoriserait, fût-ce par mégarde, à transgresser une consigne pourtant clairement énoncée, et qui sait sur le train lui-même, sur la gare, sur la ville.