Mercedes Sosa, Atahualpa Yupanqui | Guitarra, dímelo tú
Mercedes Sosa (1935-2009) | Guitarra, dímelo tú / Atahualpa Yupanqui, paroles; Pablo del Cerro [Paule Antoinette Pepin Fitzpatrick], musique ; Mercedes Sosa, chant ; Nicolás Brizuela, guitare. Captation : Lugano (Suisse), 1980.
Vidéo : Lugano : RTSI [Radiotelevisione svizzera di lingua italiana], 1980.
En 1980, au moment de ce récital télévisé produit par la télévision suisse de langue italienne, Mercedes Sosa, « la Negra » comme elle était affectueusement surnommée par son public, est exilée en France. L’Argentine connaît un nouveau régime de dictature militaire depuis le coup d’état de Videla (24 mars 1976).
Le récital (qui est disponible en DVD) est précédé d’une interview — les questions en italien, les réponses en espagnol — au cours de laquelle on lui suggère qu’elle serait à l’Amérique latine ce que sont respectivement Amália Rodrigues au Portugal, Joan Baez aux États-Unis et Oum Kalsoum aux « peuples musulmans ». Cela la fait sourire. Elle se définit en effet elle-même comme « une chanteuse populaire », qui s’efforce d’être la voix du continent entier. Elle se dit simple, mais non pas humble, aucun artiste ne l’est dit-elle. Il n’y a pas d’humilité en soi — il y a de la peur — lorsqu’on vient dans les théâtres au devant des publics, dans le monde entier comme elle le fait alors, au nom de son pays et de sa musique.
Le programme débute par plusieurs chansons d’Atahualpa Yupanqui dont Mercedes Sosa aura été une infatigable interprète tout au long de sa vie, et auquel elle avait consacré un magnifique album trois ans plus tôt (Mercedes Sosa interpreta a Atahualpa Yupanqui, 1977), accompagnée de ce même guitariste discrètement efficace et idiomatique, Nicolás Brizuela, qui lui est resté fidèle jusqu’à la fin.
Cette chanson, Guitarra, dímelo tú, Atahualpa Yupanqui n’en a écrit que les paroles. La musique est de sa femme Antoinette Paule Pepin, dite Nenette, et qui signait alors Pablo del Cerro. Est-ce qu’on imagine une chose pareille ? Nenette, une pianiste formée en France, était née à Saint-Pierre et Miquelon le 9 avril 1908, nous apprennent diverses sources (par exemple le site de la Fondation Atahualpa Yupanqui, ici). Elle s’est assez tôt établie en Argentine où elle s’est intéressée à la musique traditionnelle de ce pays. Elle est morte en 1990, deux ans avant que « Don Ata » ne vienne d’éteindre à Nîmes, au cours d’une tournée.
Si yo le pregunto al mundo,
el mundo me ha de engañar.
Cada cual cree que no cambia,
y que cambian los demás.
À quoi bon interroger le monde,
Le monde ne me dit pas la vérité.
Chacun se croit immuable,
Chacun croit que seuls les autres changent.Y paso las madrugadas,
buscando un rayo de luz.
Porqué, la noche es tan larga,
guitarra, dímelo tu.
Et tous les matins je cherche en vain
Un rayon de lumière
Pourquoi la nuit est-elle si longue ?
Dis-le-moi toi, ma guitare.
Se vuelve cruda mentira,
lo que fue tierna verdad
y hasta la tierra fecunda,
se convierte en arenal.
Ce qui fut tendre vérité
Se change en mensonge éhonté
Et même la terre féconde
Devient sable mouvant.
Los hombres son dioses muertos,
de un templo ya derrumbao.
Ni sus sueños se salvaron,
sólo una sombra ha quedao.
Les hommes sont les dieux morts
d’un temple désormais détruit
Leurs rêves même n’ont pas survécu
Seule en demeure une ombre.
Atahualpa Yupanqui (1908-1992). Guitarra, dímelo tú.Atahualpa Yupanqui (1908-1992). Dis-le-moi toi, ma guitare, traduit de Guitarra, dímelo tú par L. & L.
Atahualpa Yupanqui (1908-1992) | Guitarra, dímelo tú / Atahualpa Yupanqui, paroles; Pablo del Cerro [Paule Antoinette Pepin Fitzpatrick], musique ; Atahualpa Yupanqui, chant, guitare. Vers 1970.