J’ouvrirai cette porte
— Qui sait, Mademoiselle, cela va peut-être cesser très vite pour vous, tout d’un coup, peut-être que ce sera cet été-ci, on ne sait jamais, que vous entrerez dans ce salon et que vous déclarerez que, désormais, le monde se passera de vos services.
[…]
— J’ouvrirai cette porte du salon, Monsieur, et voilà, ce sera fait d’un seul coup et pour toujours. […] Pourquoi cette tristesse tout à coup, Monsieur ? Voyez-vous une tristesse quelconque à ce qu’un jour il me faille ouvrir cette porte ? Trouvez-vous que cela n’est pas complètement désirable ?
— Non, Mademoiselle, cela me semble tout à fait désirable et même plus que ça. Si cela m’attriste un peu, il est vrai, lorsque vous parlez d’ouvrir cette porte, c’est que vous l’ouvrirez pour toujours, qu’ensuite, vous n’aurez plus à le faire jamais.Marguerite Duras (1914-1996). Le square (1955). Gallimard, impr. 2007. (Folio ; 2136), ISBN 978-2-07-038224-8, pages 66-67.