Françoise Hardy, Serge Gainsbourg | L’anamour (1968)
Il paraît qu’elle ne va pas bien en ce moment, Françoise Hardy. Vous vous souvenez de L’anamour ? 1968, pensez… Quelle époque !
Je crois avoir lu quelque part que de toutes les chansons de Gainsbourg qu’elle a chantées, celle-ci, L’anamour, est une de celles qu’elle aimait le moins. Elle disait que les paroles n’avaient ni queue ni tête, qu’elles ne voulaient rien dire. Avec le temps, elle a peut-être découvert que les jongleries verbales typiquement gainsbourgeoises dont est fait le texte cachent cependant un « sujet » (ou du moins une situation), un peu confus il est vrai, et au fond sans grande importance. Mais à l’époque, Gainsbourg, en parfait macho qu’il était, s’était probablement bien gardé de lui en fournir le moindre indice.
Il a d’ailleurs enregistré, à peu près en même temps que Françoise Hardy, sa propre version de L’anamour – comme il le fera l’année suivante pour Les sucettes, infligées deux ans plus tôt à l’infortunée France Gall. Le disque (un « 45 tours » comportant sur sa face B le fameux 69, année érotique) est sorti en décembre 1968 – sa manière à lui de clore cette année bouleversante. Celui de Françoise Hardy (qui contenait aussi Comment te dire adieu et une adaptation française de Suzanne de Leonard Cohen) l’avait précédé de quelques semaines à peine.
Or, même à supposer que le sujet de L’anamour échappe à la chanteuse, c’est paradoxalement elle, grâce à son interprétation dépourvue d’effets qui est sa marque depuis toujours, qui met le mieux en valeur le chaos soigneusement ouvragé du texte en l’enveloppant d’un nimbe onirique. Gainsbourg au contraire a tendance à souligner ses propres trouvailles, ce qui leur donne parfois le caractère un peu puéril d’une plaisanterie potache (la rime pas là / pâli par exemple).
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Françoise Hardy | L’anamour. Serge Gainsbourg, paroles et musique.
Françoise Hardy, chant ; orchestre dirigé par Mike Vickers. France, novembre 1968.
Vidéo : aucune information trouvée. France(?), vers 1968.
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Aucun Boeing sur mon transit
Aucun bateau sous mon transat
Je cherche en vain la porte exacte
Je cherche en vain le mot exitJe chante pour les transistors
Ce récit de l’étrange histoire
De mes anamours transitoires
De Belle au Bois Dormant qui dortJe t’aime et je crains
De m’égarer
Et je sème des grains
De pavot sur les pavés de l’anamourTu sais ces photos de l’Asie
Que j’ai prises à deux cents ASA*
Maintenant que tu n’es pas là
Leurs couleurs vives ont pâliJ’ai cru entendre les hélices
D’un quadrimoteur mais hélas
C’est un ventilateur qui passe
Au ciel du poste de policeJe t’aime et je crains
De m’égarer
Et je sème des grains
De pavot sur les pavés de l’anamour
Serge Gainsbourg (1928-1991). L’anamour (1968).
* L’échelle ASA (pour : American Standards Association) est une ancienne échelle de mesure de la sensibilité à la lumière des pellicules photographiques.
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Serge Gainsbourg (1928-1991) | L’anamour. Serge Gainsbourg, paroles et musique.
Bande son : Serge Gainsbourg, chant ; Arthur Greenslade, arrangements et direction. France, décembre 1968.
Vidéo : séquences extraites du film Slogan (France, 1969). Pierre Grimblat, réalisation ; Francis Girod, Pierre Grimblat et Melvin Van Peebles, scénario ; Serge Gainsbourg, Jane Birkin, Juliet Berto, Daniel Gélin, …, acteurs.
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