Fado au Cirque d’hiver à Paris
Écouter une transmission du concert sur France Musique (jusqu’au 17 novembre 2013)
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Festival d’Ile de France 2013
Fado(s)
Paris – Cirque d’hiver Bouglione
110, rue Amelot
75011 Paris
Vendredi 27 septembre, 20h30 – samedi 28 septembre, 20h30 – dimanche 29 septembre, 16h30
Voir ce spectacle sur le site du festival
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Ce spectacle, qui sera donné trois fois, a lieu dans le cadre du Festival d’Île de France 2013. Il réunit huit fadistes (certains de premier plan), de deux générations différentes, et vaut le déplacement en raison de la rareté des apparitions de certains d’entre eux en dehors du Portugal.
Maria da Fé et João Braga, tous deux nés en 1945, ont débuté sous l’ancien régime. Des six autres, seul Camané (né en 1966) garde sans doute le souvenir, même confus, de la Révolution des œillets (25 avril 1974) : Cristina Branco, António Zambujo, Katia Guerreiro et Carla Pires sont tous nés dans les années 1970, et le petit dernier, Ricardo Ribeiro, en 1981.
Camané se consacre depuis 1995 à un répertoire fait de poèmes soigneusement choisis, souvent dans l’œuvre des grands auteurs portugais, chantés le plus souvent sur des musiques de fados « castiços » (« authentiques »). Et pourtant on perçoit encore dans l’art de Camané, ne serait-ce justement que par cette importance accordée aux textes, mais aussi par un style de chant presque classique, en tout cas assez éloigné de la spontanéité du fado de taverne, l’influence d’Amália Rodrigues.
Ricardo Ribeiro, à peine trentenaire, pourrait en être une sorte de contrepoint. Comme d’autres de sa génération (Carminho par exemple), il découvre le foisonnement incroyable du fado du XXe siècle, des années 30 aux années 60 disons, ce qui ne l’empêche pas d’en explorer par ailleurs les liens de parenté, ou les correspondances, avec le flamenco, les musiques du Proche-Orient, ou le tango, en compagnie du guitariste Pedro Jóia ou du compositeur et oudiste libanais Rabih Abou-Khalil.
Ricardo Ribeiro. Fado é canto peregrino / Mascarenhas Barreto, paroles ; António dos Santos, musique ; Ricardo Ribeiro, chant ; Marco Oliveira, guitare.
Vidéo : Diogo Vargas et Telma Freitas Morna, réalisation et son. Captation : Casa de fados O Faia, Bairro Alto, Lisbonne, 26 mars 2013. (A música portuguesa a gostar dela própria ; 601).
La présence dans ce programme d’António Zambujo, maintenant bien connu du public français, peut passer pour une facilité, voire une incongruité, tant son répertoire laisse de moins en moins de place au fado (dont il est cependant un merveilleux interprète). Idem de Cristina Branco, une bonne chanteuse mais pas vraiment une fadiste. Quant à Katia Guerreiro, très efficace en concert, elle a pour elle de maîtriser suffisamment bien le français pour maintenir le contact avec un public qui a parfois besoin qu’on lui rende accessible ce chant si particulier, et qu’on lui explique, au moins de temps en temps, ce que disent les poèmes.
On viendra aussi pour rendre hommage à la longévité artistique de Maria da Fé, qui a fêté en 2010 ses cinquante ans de carrière, de même qu’à l’inclassable João Braga, passionné de poésie surtout, respectueux du texte au point de ne jamais tronquer aucun des poèmes qu’il choisit d’interpréter. Ainsi de La prière (A prece) de Pedro Homem de Mello, dont il chante toutes les strophes y compris la 4e, contrairement à Amália (dont il est un admirateur) :
João Braga. A prece / Pedro Homem de Mello, poème ; Joaquim Campos, musique (fado Tango) ; João Braga, chant. Captation : Parque de Palmela, Cascais (Portugal), 1995.
Prece | Prière |
Talvez que eu morra na praia, Cercado, em pérfido banho, Por toda a espuma da praia, Como um pastor que desmaia No meio do seu rebanho… |
Je mourrai peut-être sur une plage, Cerné par l’écume de la mer Et trahi par ses eaux M’effaçant comme un berger Au cœur de son troupeau. |
Talvez que eu morra na rua – Ínvia por mim de repente – Em noite fria, sem Lua, Irmão das pedras da rua Pisadas por toda a gente! |
Je mourrai peut-être dans une rue, – L’obstruant par ma chute –, Par une nuit froide et sans lune, Semblable aux pavés de la rue Que foulent les passants. |
Talvez que eu morra entre grades, No meio duma prisão E que o mundo, além das grades, Venha esquecer as saudades Que roem o meu coração. |
Je mourrai peut-être sous les verrous, Au fond d’une prison, Sans qu’au-delà des verrous, Nul n’ai souci de la détresse Qui me ronge le cœur. |
Talvez que eu morra dum tiro, Castigo de algum desejo. E que, à mercê desse tiro, O meu último suspiro Seja o meu primeiro beijo… |
Je mourrai peut-être d’une balle, En châtiment d’un désir. Et qu’à la merci de cette balle Mon premier baiser Soit mon dernier soupir. |
Talvez que eu morra no leito, Onde a morte é natural, As mãos em cruz sobre o peito… Das mãos de Deus tudo aceito. – Mas que eu morra em Portugal! |
Je mourrai peut-être dans mon lit, D’une mort naturelle, Mains en croix sur le cœur… Des mains de Dieu j’accepte toute mort, Pourvu qu’elle me frappe au Portugal ! |
Pedro Homem de Mello (1904-1984). Prece.
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Pedro Homem de Mello (1904-1984). Prière, traduit de : Prece par L. & L. |
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L. & L.
On s’y verra peut-être (la salle du cirque est grande) , j’y serai bien sûr !
Je reviens du festival d’Alfama, une merveille ! Bien organisé (et pourtant on achevait de repeindre ou plutôt peindre certaines salles la veille ! ), bien programmé, des très grands et des tout petits (y compris un gamin de douze ans, Kiko, qui a eu beaucoup de succès à Sao Miguel, ouverte pour l’occasion) quel plaisir ! et un beau succès populaire, peu, pour ne pas dire pas de touristes, c’était Lisbonne et Alfama qui étaient là, c’était son festival à elle après tout ! c’était agréable et amusant (je commence à comprendre les réparties), même si la population des ruelles ne constitue pas un public sage et silencieux (finalement, c’est bien pour eux qu’on a inventé le « silencio, por que vai cantar o fado », pas seulement pour les touristes anglais !), ça a même un instant agacé Ricardo dans un grito soutenu (à peine une moue, lui qui grimace même aux photographes !) , pourtant habitué et relax, c’est le moins qu’on puisse dire !
Bon, j’espère pouvoir te raconter tout ça..
Até logo
Anne-Marie
Je n’y vais pas, Anne-Marie 😦
J’espère qu’on parviendra à se retrouver pour de vrai quand même un de ces jours…
Ph.
Hier au cirque d’hiver , j ai pleuré sans raison, … le fado me transperce depuis que je l’ai découvert . Douce nostalgie pas triste , juste sensuelle .
Non, pas triste. Le fado est rarement triste, je ne le sens pas comme ça mois non plus.
Il était bien alors, ce spectacle ? (Je ne le verrai pas.)
Oui, il était très bien ce spectacle, surtout le samedi où il était parfaitement « au point » ; un « échantillonnage » bien choisi de fadistas, hommes et femmes à égalité pour faire tomber les préjugés sur le fado chanté par les femmes, avec les têtes d’affiches au Portugal et celles connues en France mélangées à des moins connus, qui permettait de faire des découvertes (je n’avais jamais entendu Carla Pires, à la voix très précise et agréable, même si sans grande émotion, comme Cristina Branco). Le choix des fados était très « amalien », mais certains étaient véritablement réinterprétés, notamment dans les duos homme-femme qui faisaient le lien entre chaque fadista, si bien que là aussi on avait l’impression de les redécouvrir. L’ambiance en plus était sympathique car tous se sont prêtés de bon coeur à une mise en scène plus collective pour un art habituellement interprété de façon très individuelle, mise à part la complicité guitaristes-fadista.
Que pena, vraiment, que tu n’aies pas été là ! Mais je sais bien qu’on se reverra au détour d’un fado… Tiens, Lula m’a dit cet été qu’elle devait chanter en Champagne, elle ne se souvenait pas de la ville…A suivre donc…