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Lula Pena en concert à Paris : tout un monde lointain

31 Mai 2013

Lula Pena en concert, lundi 10 juin 2013, 20h30

Paris – Le Montfort – grande salle
Parc Georges Brassens
106, rue Brancion
75015 Paris

Voir ce concert sur le site du théâtre
Écouter l’album Troubadour (2010)

…………

Lula Pena & Mû. Troubadour. Acto IV. Vidéo : Cláudia Varejão. Captation : Teatro Echagaray, Málaga (Espagne), juillet 2012.

Anda, Maria
Pois eu só teria
A minha agonia
Pra te oferecer.
Vinicius de Moraes & Chico Buarque. Olha Maria (1971)

Le fado, s’il vit encore, c’est ici.

Lula Pena -- Troubadour. Mbari, 2010J’ai réécouté Troubadour l’autre matin. Je ne l’avais pas fait depuis longtemps, plusieurs mois. Et c’était comme frotter la lampe : la magie s’est répandue, nullement éventée, pleine d’une force nouvelle au contraire.

Le plus beau passage de Troubadour est celui où le fado As penas est entrelacé avec la chanson de l’Alentejo Dá-me uma gotinha d’água.
Le plus beau passage de Troubadour est celui qui mêle Cansaço, le Fado de cada um, et Partido alto de Chico Buarque.
Le plus beau passage de Troubadour est le moment où le fado Libertação fait suite à la Luna tucumana d’Atahualpa Yupanquí.
C’est celui où le flot de la chanson açorienne Os bravos se jette dans celui de A noite do meu bem, de Dolores Duran.
Le plus beau, c’est cette autre chanson de l’Alentejo, Ribeira vai cheia e o barco não anda devenant le magnifique fado Lago : à bout de forces, je suis descendue dans les eaux vertes sans fond ; et même si mes forces me reviennent, jamais plus je ne serai esclave.

Lula Pena -- Troubadour. Mbari, 2010Troubadour est un objet unique, précieux, un belvédère ouvert sur un univers foisonnant et mystérieux courant sur le fil d’une voix singulière. Il s’écoute au mieux à partir de cette heure de la journée où on devrait allumer les lampes, mais il se protège de toute lumière indiscrète dans un halo d’ombre qu’il semble sécréter : il est un peu farouche.

Sa créatrice est Lula Pena, artiste.

Elle se produira à Paris dans quelques jours, et c’est un fait rare. Sur le site du théâtre, on la rapproche de Tom Waits. Ça se fait parfois, sans doute par facilité, parce qu’il faut bien placer dans la galaxie de la renommée les étoiles trop peu célébrées, celles dont les journaux ne font pas état. Lula Pena est une Portugaise. Comment ne pas entendre sa parenté avec Amália ? Elle en est aujourd’hui la seule interprète de valeur. Et encore : il s’agit moins d’interprétation que d’une forme d’expression directe, tant ces fados : Libertação, Lago, As penas, Cansaço et d’autres semblent évidents chantés et façonnés par elle, comme s’ils étaient gravés dans son code génétique.

Lula Pena c’est aussi le plaisir des langues, honorées comme des œuvres d’art : le portugais (celui de Lisbonne, celui du Cap-Vert ou du Brésil), l’espagnol, l’anglais, le français avec lequel elle aime jouer : « tout un monde lointain » qui resplendira à Paris le 10 juin prochain.

Lula Pena -- Troubadour. Mbari, 2010

Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c’est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J’aime si tendrement le désert et la mer ;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;
Que je prends très-souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit : « Garde tes songes ;
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous ! »

Charles Baudelaire (1821-1867). La voix (extrait). 1ère publication : 1866, dans : Les épaves. Intégré au recueil Les fleurs du mal à partir de l’édition de 1868. Source : Wikisource

Henri Dutilleux (1916-2013). Tout un monde lointain (1970). 4e mouvement (Miroirs) / Xavier Philips, violoncelle ; Orchestre de la Suisse romande ; Marek Janowski, direction. Captation : Genève (Suisse), Victoria Hall, 12 avril 2006.

9 commentaires leave one →
  1. 31 Mai 2013 22:55

    muito obrigado , Lula Pena !

  2. Triste Sina permalink
    5 juin 2013 14:53

    « Viver não é preciso… » escutar Lula Pena o é.

  3. zanzibar permalink
    5 juin 2013 14:59

    Oui nous avions fait connaissance à Evreux pour une moment inoubliable d’après concert en compagnie de Lula.
    J’ai la chance de pouvoir aller la revoir lundi. J’applaudirais pour deux, mais d’ailleurs peut on l’applaudir car pour moi c’est une rencontre de cœur qui devrait pouvoir s’exprimer d’une autre manière.
    Le texte que tu as écrit est si beau et si bien documenté que je souhaiterais pouvoir le mettre en partage après mes mots plus maladroits mais aussi sincères écrits hier sur le forum  » Autres musiques du Brésil » – Bossa nova forum

    Didier

  4. Anne-Marie permalink
    7 juin 2013 18:53

    Tu as employé le mot qui convient, Lulu, (comme toujours) et que j’emploie moi aussi pour définir Lula : une magicienne, c’est ce qu’elle est,et je me fais une joie de la revoir lundi. J’ai gardé le même souvenir que vous deux de cette soirée avec elle, de ses mots partagés avec nous autour d’un verre que je lui avais proposé et que Philippe nous a finalement offert ! et de notre retour jusqu’à un hôtel fermé dans le froid et la nuit, grâce à la voiture accueillante de son « fa »…
    J’espérais bien te revoir lundi, Lulu, grâce à qui je l’ai découverte, et j’irais la saluer pour toi aussi, c’est sûr…

    • 7 juin 2013 19:20

      Ce que ça me coûte de ne pas pouvoir y aller, não queiras saber !! Quelle frusration… Je compte bien sur toi, Anne-Marie, pour l’écouter pour deux.
      Ph.

  5. zanzibar permalink
    11 juin 2013 15:13

    Tiens puisque Paris était une banlieue trop éloignée pour toi ce jour là; petit souvenir d’une œuvre qui toujours se recrée. Pas de critiques sur mon cadrage qui fait croire que Lula s’enfonce doucement dans la scène. Non simplement je la regardais et l’écoutais.

    • 11 juin 2013 15:34

      Merci, c’est un cadeau somptueux ! Je ne peux pas encore écouter à plein régime puisque je suis au travail, mais il suffit d’entendre à peine, même presque de deviner, l’attaque de l’Acto I « Quanto é doce… » pour éprouver une sorte d’électrochoc délicieux… Tu as retrouvé Anne-marie ? Vous avez vu Lula après le concert ?
      Ph.

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