La coupe est pleine
Ce qu’elles sont turbulentes les oranges, tu n’imagines pas. Toujours à se chamailler, à vouloir la meilleure place, — et avec ça, méchantes avec les mandarines : elles en ont déshabillé une avant de la passer par-dessus bord. Encore à bouger quand on dit ne bougez plus, à pincer leur voisine ou à la mordre, intenables.
Rien à voir avec les courges, bonnes filles, balourdes et empotées. Elles se croient laides, embarrassées qu’elles sont de leur tour de taille, mais elles ont de belles voix enveloppantes, des voix de diseuses : Il était une fois un prince, beau comme le jour, qui se morfondait au sommet de sa tour dans l’attente de son amour. (Son amour qui pour le rejoindre doit traverser Paris aujourd’hui même, alors que s’y est déversée la droite la plus méchante et la plus rétrograde du monde ; il n’est pas près d’y parvenir le pauvre.)
L. & L.