O Pierrot (Fado versículo) — Alfredo Marceneiro
Alfredo Marceneiro (1891-1982). O Pierrot / Alfredo Marceneiro, chant & musique ; João Linhares Barbosa, paroles. Dans : Nos tempos em que eu cantava (1972)
La musique de ce fado — fado menor versículo, ou fado menor em versículo, ou encore fado menor com versículos –, a été composée par Alfredo Marceneiro lui-même à partir de celle du fameux fado menor (voir ici) — quant à lui de compositeur inconnu. La partition manuscrite porte la date de 1928.
Le terme versículo signifie verset. Il a peut-être un autre sens ici, faisant référence à la métrique des vers. Le fait est que dans ce fado chaque vers est divisé en deux parties inégales, la seconde — la plus courte, une sorte d’appendice — pouvant constituer ce « versicule ». C’est comme si au bout de chaque vers il y avait quelque chose à ajouter après réflexion, un codicille, une paperolle appliquée dans la marge.
Naquele dia de entrudo, lembro bem
Um intrigante Pierrot, da cor do céu
Um ramo de violetas, pequeninas
Á linda morta atirou, como um adeus
C’était un jour de carnaval, je m’en souviens
Un intrigant pierrot, couleur du ciel
Un bouquet de violettes, toutes petites
Sur la belle morte jeta, comme un adieu
La structure du vers est encore amplifiée dans la phrase musicale, avec un effet d’asymétrie marqué qui rend ce fado singulier et qui en fait la beauté. Et Marceneiro, en génial interprète qu’il était, en joue comme personne.
Naquele dia de entrudo, lembro bem
Um intrigante Pierrot, da cor do céu
Um ramo de violetas, pequeninas
Á linda morta atirou, como um adeusPassa triste o funeral, é duma virgem
Mas ao povo que lhe importa, aquele enterro
Que a morte lhe passa á porta, só por ele
Em dia de carnaval, e de vertigemAbaixo a máscara gritei, com energia
Quem és tu grossseiro que ousas, profanar
Perturbar a paz das lousas, tumulares
E o Pierrot disse não sei, que não sabiaSei apenas que a adorei, um certo dia
Num amor todo grilhetas, assassinas
Se não vim de vestes pretas, em ruínas
Visto de negro o coração, e resolutoAtirou sobre o caixão, como um tributo
Um ramo de violetas, pequeninas
Atirou sobre o caixão, como um tributo
Um ramo de violetas, pequeninas
João Linhares Barbosa. O Pierrot (1928).
Le Fado versículo de Marceneiro a été repris par d’autres interprètes au fil du temps, sur des textes différents comme le veut la coutume. Par exemple par Berta Cardoso (1911-1997) dans les années 1950 (Fado Fracasso), Fernanda Maria (Ausência), ou plus récemment Lenita Gentil (Quem me dera ser o fado que não sou, 1991) ou Camané (Não sei sur un très beau poème de Manuela de Freitas dans son 2e album Na linha da vida, 1998).
Fado Fracasso / Berta Cardoso, chant ; João Linhares Barbosa, paroles ; Alfredo Marceneiro, musique (fado menor versículo).
Et aussi par Carlos do Carmo dans son Fado da saudade, lauréat en Espagne du prix Goya de la meilleure chanson originale pour le film Fados de Carlos Saura (2007). Évidemment, ça a fait jaser au Portugal… Non seulement parce que ce n’est pas une chanson originale, du moins quant à sa musique, mais aussi parce que Carlos do Carmo lui-même ne reconnaît pas en ladite musique celle du Fado versículo de Marceneiro. Il s’agit pour lui d’un Fado menor. C’est nier l’évidence, je t’en laisse juge.
Fado da saudade / Carlos do Carmo, chant ; Fernando Pinto do Amaral, paroles ; Alfredo Marceneiro, musique (fado menor versículo) ; José Manuel Neto, guitare portugaise ; Manuel Proença, guitare ; José Marino Freitas, basse acoustique.
Quoi qu’il en soit, sa maison de disques ne commet pas la même erreur, car le livret d’accompagnement de l’album Fado maestro (Carlos do Carmo. Fado maestro. Universal music Portugal, 2008) porte bien, pour Fado da saudade, la mention : « música Fado menor (versículo) »… mais sans l’attribuer à Marceneiro.
L. & L.