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Fado Anadia & Fado Pechincha. 1. Celeste Rodrigues

22 avril 2025

De ces deux fados on peut dire que l’un est le sosie de l’autre, quoiqu’ils aient été composés à plus de soixante ans de distance : le premier (Fado Anadia) vers 1860, le second (Fado Pechincha) vers la fin des années 1920. L’un et l’autre sont en mode mineur et comportent un motif instrumental caractéristique qui se répète entre les strophes, un peu comme un refrain ; ils sont généralement exécutés sur un tempo rapide – du moins dans leurs interprétations modernes – et leurs mélodies se ressemblent.

Parfois les fadistes, ou les éditeurs phonographiques, ou les deux, se trompent et prennent l’un pour l’autre. C’est ainsi que Flor na tua mão, un poème de David Mourão-Ferreira enregistré par Celeste Rodrigues en 1974, est paru à l’origine avec l’indication (erronée) « Fado Pechincha », puis republié dans des compilations en tant que Fado Anadia, dont on reconnaît le motif instrumental distinctif.

Celeste Rodrigues (1923-2018)Flor na tua mão. David Mourão-Ferreira, paroles ; José Maria Rodrigues dos Cavalinhos, musique (Fado Anadia). Titre original du poème : Labirinto ou Não foi nada. Sur l’album Celeste Rodrigues (1974) qui contient l’enregistrement original, la musique est identifiée comme Fado Pechincha.
Carlos Gonçalves & António Chaínho, guitare portugaise ; José Maria Nóbrega, guitare ; Raúl Silva, basse acoustique.
Première publication dans l’album Celeste Rodrigues. Portugal, Riso e ritmo discos, ℗ 1974.

Ci-dessous : le poème original de Mourão-Ferreira, intitulé Labirinto (« Labyrinthe »). Dans le fado, la deuxième strophe est déplacée après la troisième, la quatrième est omise.

Talvez houvesse uma flor
aberta na tua mão.
Podia ter sido amor,
e foi apenas traição.
Il y eut peut-être une fleur
Épanouie dans ta main.
Une fleur qui pouvait être l’amour
Et qui ne fut que mensonge.
É tão negro o labirinto
que vai dar à tua rua…
Ai de mim, que nem pressinto
a cor dos ombros da Lua!
Il est obscur le labyrinthe
Qui conduit jusqu’à ta rue…
Je n’y distingue qu’à grand peine
La couleur des épaules de la Lune !
Talvez houvesse a passagem
de uma estrela no teu rosto.
Era quase uma viagem:
foi apenas um desgosto.
Il y eut peut-être le passage
D’une étoile sur ton visage.
Une promesse de voyage
Qui s’est résolue en chagrin.
É tão negro o labirinto
que vai dar à tua rua…
Só o fantasma do instinto
na cinza do céu flutua.
Il est obscur le labyrinthe
Qui conduit jusqu’à ta rue…
De l’instinct il reste le fantôme
Flottant contre la cendre du ciel.
Tens agora a mão fechada;
no rosto, nenhum fulgor.
Não foi nada, não foi nada:
podia ter sido amor.
Tu tiens à présent tes mains closes
Rien n’illumine ton visage.
J’avais cru y voir naître l’amour,
Ce n’était rien, il n’y avait rien.
David Mourão-Ferreira (1927-1996). Labirinto ou Não foi nada. Dans : À Guitarra e à Viola (1954-1960)
David Mourão-Ferreira (1927-1996). Labyrinthe, traduit de Labirinto ou Não foi nada par L. & L.

Le Fado Anadia, de même d’ailleurs que le Pechincha, sont des musiques contradictoires, qui conjuguent un tempo enlevé avec une mélodie en mineur pour donner des pièces trompeusement allègres. Dans le cas de Flor na tua mão, le noir du labyrinthe dans lequel baignent les vers amers de David Mourão-Ferreira exacerbe encore cette tension.

Trente-trois ans plus tard, revoici Celeste avec la magnifique voix de son dernier âge, beaucoup plus belle que celle de sa jeunesse. Dans son dernier enregistrement de studio (Fado, 2007) figure un Fado Pechincha sur lequel elle chante Meu nome baila no vento (« Mon nom danse dans le vent »), un poème de José Luís Gordo déjà utilisé par Maria da Fé sur une autre musique.

Celeste Rodrigues (1923-2018)Meu nome baila no vento. José Luís Gordo, paroles ; João do Carmo Noronha, musique (Fado Pechincha).
Pedro Amendoieira, guitare portugaise ; Pedro Pinhal, guitare & direction musicale ; Paulo Paz, basse acoustique.
Enregistrement : Lisbonne, Casa de Linhares.
Première publication dans l’album Fado / Celeste Rodrigues. Portugal, Diogo Varela Silva, ℗ 2007.

Meu nome baila no vento
Na tempestade do mar
Vai-me na voz o lamento
Que o vento anda a espalhar
Mon nom danse dans le vent
De la mer déchaînée.
Et ce vent porte une plainte
Qui coule jusque dans ma voix.
Meu nome baila nas horas
Recuadas, do passado
E o tempo que se demora
Baila no tempo do fado
Mon nom danse dans les heures
Anciennes de mon passé
Et le temps qui s’attarde
Danse au rythme du fado.
Meu nome baila em teu nome
Tua voz na minha boca
E no tempo que o consome
Baila a loucura mais louca
Mon nom fait danser en ton nom
Ta voix dans ma bouche
Et dans le temps qui le consume
Danse la plus folle des folies.
Meu nome já não é meu
Baila agora sem parar
Anda um nome que é o teu
Na minha voz a cantar
Mon nom n’est déjà plus le mien
Voici qu’il danse sans arrêt
Voici qu’un nom, qui est le tien,
Chante désormais dans ma voix.
José Luís Gordo (né en 1947). Meu nome baila no vento (1971 ?)
José Luís Gordo (né en 1947). Mon nom danse dans le vent, traduit de Meu nome baila no vento (1971?) par L. & L.

À suivre

4 commentaires leave one →
  1. Avatar de antoinenaik
    antoinenaik permalink
    22 avril 2025 11:16

    Si je comprends bien l’unique différence entre les deux fados tient à la partie de guitare portugaise (introduction et réponses) ? Du point de vue du chant ils me semblent identiques.

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