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Fado Súplica. 1. Mísia • Estátua falsa

8 novembre 2023

Fado Súplica (Fado « Supplique ») est une pièce de musique composée par Armando Machado (1899-1974), guitariste (de guitare espagnole, non de guitare portugaise) et fondateur de l’Adega Machado, l’une des premières maisons de fado à s’être établie dans le Bairro alto de Lisbonne ; elle est toujours en activité.

Je n’ai rien trouvé ni sur l’origine du nom de ce fado, ni sur sa date de composition. En voici une interprétation donnée en 1995 par Arménio de Melo (guitare portugaise) et José Maria Nóbrega (guitare).

Arménio de Melo & José Maria NóbregaFado Súplica. Armando Machado, musique.
Arménio de Melo, guitare portugaise ; José Maria Nóbrega, guitare.
Extrait de l’album Lisboa cidade de fado. Vol. III. Portugal, Estoril, ℗ 1995.

C’est une belle mélodie qui conviendrait en effet à une « supplique » et qui a été assez souvent employée par les artisans de la renaissance du Fado, à partir des années 1990. Dans son album Garras dos sentidos (1998), Mísia a choisi pour cette musique un poème de Mário de Sá-Carneiro (1890-1916), auteur pessimiste et mélancolique, suicidé à Paris à l’âge de 25 ans. Il était un ami proche de Fernando Pessoa, avec qui il a fondé la célèbre revue littéraire Orpheu. Estátua falsa (« Statue fausse », daté de mai 1913) est un autoportrait sombre et dépressif. Mísia a dédié ce fado à Pedro Almodóvar — nul ne sait s’il aura été sensible à cet hommage.

Mísia (née en 1955)Estátua falsa. Poème de Mário de Sá-Carneiro ; Armando Machado, musique (Fado Súplica).
Mísia, chant ; Custódio Castelo, guitare portugaise ; António Pinto, Carlos Manuel Proença & José Moz Carrapa, guitare ; Marino Freitas, basse acoustique ; Manuel Rocha, violon ; Ricardo Dias, accordéon & arrangement.
Enregistrement ; Lisbonne, studios Xangrilá, octobre 1997.
Extrait de l’album Garras dos sentidos / Mísia. France, Erato Disques, ℗ 1998.


Só de ouro falso os meus olhos se douram;
Sou esfinge sem mistério no poente.
A tristeza das coisas que não foram
Na minh’alma desceu veladamente.

Mes yeux ne se dorent que d’un or faux ;
Je suis sphinx sans mystère tourné vers le couchant.
La tristesse de ce qui n’a pas été
Furtivement dans mon âme est descendue.

Na minha dor quebram-se espadas de ânsia,
Gomos de luz em treva se misturam.
As sombras que eu dimano não perduram,
Como Ontem, para mim, Hoje é distância.

Sur ma douleur se brisent des épées de tourment,
Des bourgeons de lumière se fondent en ténèbres.
Les ombres que je produis ne durent pas longtemps,
Pour moi, tout comme Hier Aujourd’hui est lointain.

Já não estremeço em face do segredo;
Nada me aloira já, nada me aterra:
A vida corre sobre mim em guerra,
E nem sequer um arrepio de medo!

Face au secret je ne sais plus frémir ;
Plus rien ne m’émerveille et plus rien ne m’atterre :
La vie passe sur moi en guerre,
Et pas même un frisson d’effroi !

Sou estrela ébria que perdeu os céus,
Sereia louca que deixou o mar;
Sou templo prestes a ruir sem deus,
Estátua falsa ainda erguida ao ar…

Je suis étoile saoule égarée hors des cieux,
Sirène folle ayant quitté la mer ;
Temple sans dieu sur le point de se rompre,
Une statue fausse pourtant encore dressée.
Mário de Sá-Carneiro (1890-1916). Estátua falsa. Extrait de Dispersão (1913, écriture ; 1914, 1ère publication).
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Mário de Sá-Carneiro (1890-1916). Statue fausse, trad. par L. & L. de Estátua falsa. Extrait de Dispersão (1913, écriture ; 1914, 1ère publication).

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