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Amália • Espelho quebrado

18 octobre 2023

Amália Rodrigues (1920-1999)Espelho quebrado. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Nunes, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare ; Alain Oulman, piano.
Enregistrement : Lisbonne, Teatro Taborda, entre 1960 et 1962.
Première publication dans l’album For your delight / Amália. Royaume-Uni, Columbia, ℗ 1963.

Com o seu chicote, o vento
Quebra o espelho do lago.
Em mim, foi mais violento
O estrago,
D’un coup de fouet, le vent
Brise le miroir du lac.
Mais plus encore, c’est moi
Qu’il a brisée,
Porque o vento, ao passar,
Murmurava o teu nome.
Depois de o murmurar,
Deixou-me.
Ce vent qui passait
En murmurant ton nom.
Car, l’ayant murmuré,
Il m’a laissée.
Tão rápido passou,
nem soube destruir-me
as mágoas em que sou
Tão firme.
Il est passé trop vite
Pour pouvoir arracher
Cette douleur enracinée
En moi.
Mas a sua passagem
Em vidro recortava
No lago a minha imagem
De escrava.
Mais son passage
A découpé dans le verre
Du lac mon image
D’esclave.
Ó líquido cristal
Dos meus olhos sem ti,
Em vão um vendaval
Pedi,
Ô liquide cristal
De mes yeux sans toi,
En vain j’ai invoqué
L’orage,
Para que se quebrasse
O espelho que me enluta
E me ficasse a face
Enxuta!
Pour que se brise
Ce miroir qui m’endeuille
Et qu’il me sèche
Le visage.
Ai, meus olhos sem ti…
Em mim, foi mais violento
O vento!
Ah, mes yeux sans toi…
En moi, soufflait plus violemment
Le vent !
David Mourão-Ferreira (1927-1996). Espelho quebrado (vers 1960).
David Mourão-Ferreira (1927-1996). Miroir brisé, traduit de Espelho quebrado (vers 1960) par L. & L.

Espelho quebrado (« Miroir brisé ») : ce beau fado d’Alain Oulman sur un poème de David Mourão-Ferreira — l’auteur des paroles de Barco negro, entre autres — est passé à peu près inaperçu au Portugal, où son enregistrement de studio n’a été publié, en 1964, que comme troisième et dernière plage d’un disque 45 tours qui mettait en vedette Estranha forma de vida (un texte d’Amália sur un fado traditionnel d’Alfredo Marceneiro). Si Estranha forma de vida figurait sur le célèbre album sans titre, dit « do Busto » (« du buste »), de 1962, ce n’était pas le cas de Espelho quebrado. « J’aime beaucoup Espelho quebrado », déclarait Amália dans son autobiographie, « mais les gens n’adhèrent pas à ce genre de choses. » Elle disait cela à propos du poème, non de la musique, qui pourtant devait à l’époque paraître étrange, voire déroutante, pour le public du fado traditionnel. Elle l’était en tout cas pour les guitaristes qui accompagnaient alors Amália et qui ne se sont pas privés de le dire. Le fait est qu’Alain Oulman ne semblait guère accointé avec le fado traditionnel. Du reste il a toujours composé au piano. Il en joue d’ailleurs, quoique discrètement, dans l’enregistrement studio de ce morceau.

La première apparition de Espelho quebrado s’est produite à la télévision portugaise, en 1961, en ouverture d’un récital comportant huit titres alors encore inédits au disque : six qui allaient paraître l’année suivante dans l’album « du buste », plus Espelho quebrado et le splendide Dura memória, sur un sonnet de Camões.

Amália Rodrigues (1920-1999)Espelho quebrado. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Nunes, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare.
Extrait du récital télévisé Amália Rodrigues diffusé sur les ondes de la Radiotelevisão Portuguesa (RTP) le 10 octobre 1961. Fernando Frazão, réalisation ; Fernando Pessa, présentation. Enregistrement : Lisbonne, studios de la RTP, Lumiar, septembre 1961. Production : Portugal, RTP, 1961.

Le jeudi 29 novembre 1962 (exactement une semaine avant la présentation du « disque du buste » à la presse), Amália participait à un spectacle donné en l’honneur du fadiste Filipe Pinto au théâtre Tivoli, à Lisbonne. Là encore, parmi les huit fados de son programme figurait Espelho quebrado.

Amália Rodrigues (1920-1999)Espelho quebrado. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare classique.
Enregistrement public, dans le cadre du spectacle donné en hommage à Filipe Pinto au théâtre Tivoli, Lisbonne, le 29 novembre 1962.
Extrait de l’album Tivoli 62. 1ère publication : Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ 2015.

Espelho quebrado a suscité quelques reprises par d’autres fadistes : Cristina Branco dans son premier album (1997), Maria Ana Bobone (Senhora da Lapa, 1998) et d’autres. Mísia en donne, dans son double album Para Amália (2015), une version dépouillée à l’extrême, comme hallucinée, accompagnée seulement au piano. Ici au contraire elle est entourée d’un orchestre symphonique, le Philharmonique de Brême, en février 2015. C’était quelques mois avant la sortie de l’album.

Mísia (née en 1955)Espelho quebrado. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Mísia, chant ; Bremer Philharmoniker ; Markus Poschner, direction.
Enregistrement public : Brême (Allemagne), die Glocke, 8 février 2015, dans le cadre du festival « An die Grenze ».
Vidéo : pas d’information.

Carminho, sans doute un peu trop gourmande, a inscrit Espelho quebrado au programme de son premier album, Fado (2009). Il y manque juste l’esssentiel : l’interprétation.

Carminho (née en 1984)Espelho quebrado. David Mourão-Ferreira, paroles ; Alain Oulman, musique.
Carminho, chant ; Diogo Clemente, guitare & direction musicale ; Carlos Barretto, contrebasse.
Enregistrement : Portugal, Lisboa studios.
Extrait de l’album Fado / Carminho. 1ère publication : Portugal, EMI Music Portugal, ℗ 2009.
Vidéo : João Botelho, réalisation. Production : Portugal, EMI Music Portugal, 2009.

2 commentaires leave one →
  1. MD1 permalink
    19 octobre 2023 09:45

    Parfaite traduction comme d’habitude ; c’est bien d’avoir inverser enxuta. Vous êtes un peu sévère avec Carminho,mais c’est fondé, et bienveillant avec Misia dont la voix est toujours un peu limite lorsqu’elle monte en puissance. Merci encore pour ces beaux fados.

    • 19 octobre 2023 10:04

      Vous avez raison, bien sûr : ce premier album de Carminho, en 2009, était une bonne surprise et ce qui pouvait passer pour des imperfections de jeunesse se pardonnait alors d’autant plus facilement. Malheureusement ces défauts n’ont fait que s’aggraver au fil du temps. Quant à Mísia oui, je ne peux pas dire le contraire : elle n’a pas une voix facile. Mais elle au moins connaît parfaitement le contexte de chacun des fados qu’elle choisit de chanter.
      Merci à vous !
      Ph.

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