La jardinera • Violeta Parra (& Carmela)
À « L’Escale », l’un des multiples cabarets qui se sont ouverts à Paris dans les années d’après-guerre, se retrouvaient les Latino-Américains et les Espagnols de la capitale, qu’ils s’y soient établis ou n’aient fait qu’y passer. Fondée en 1947 par un couple franco-espagnol, L’Escale était située rue Monsieur-le-Prince, dans le Quartier latin. Le plasticien vénézuélien Jesús-Rafael Soto y accompagnait à la guitare une chanteuse madrilène à la belle voix grave et moelleuse nommée Carmen Requeta et on y entendait aussi, entre autres, les auteurs-compositeurs interprètes Atahualpa Yupanqui (Argentine) ou Violeta Parra (Chili). Le jeune Paco Ibáñez y a fait ses premiers pas de musicien, y croisant les écrivains Gabriel García Márquez (Colombie), Alejo Carpentier (Cuba), Julio Cortázar (Argentine), …
- Voir l’article L’Escale sur le site Maison Orange.
Violeta Parra donc, qui s’y est produite régulièrement lors de ses deux séjours parisiens (1954-1956 et 1962-1965), y a probablement fait entendre La jardinera (« La jardinière ») : cette tonada, l’une de ses chansons les plus connues, figure au programme de son premier album français, Chants et danses du Chili. I, enregistré pour le label Le Chant du monde en 1956. La version ci-dessous est plus tardive, et enregistrée au Chili.
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Violeta Parra (1917-1967) • La jardinera. Violeta Parra, paroles & musique.
Violeta Parra, chant & guitare.
Extrait du disque 33t : Toda Violeta Parra : El folklore de Chile, Vol. VIII / Violeta Parra. Chili, ℗ 1960.
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Para olvidarme de ti
voy a cultivar la tierra.
En ella espero encontrar
remedio para mi pena.
Afin de t’oublier
Je vais cultiver la terre.
J’espère qu’en elle je trouverai
Le remède à ma peine.
Aquí plantaré el rosal
de las espinas más gruesas.
Tendré lista la corona
para cuando en mí te mueras.
Ici, je planterai le rosier
Aux épines les plus dures
Et tiendrai prête la couronne
Pour l’instant où tu mourras en moi.
Para mi tristeza, violeta azul,
clavelina roja pa’ mi pasión,
y, para saber si me corresponde,
deshojo un blanco manzanillón:
si me quiere – mucho, poquito, nada –,
tranquilo queda mi corazón.
Pour ma tristesse, violette bleue,
Œillet rouge pour ma passion
Et, pour savoir s’il m’aime,
J’effeuille la blanche marguerite :
S’il m’aime — un peu, beaucoup, pas du tout —,
Mon cœur s’apaise.
Creciendo irán poco a poco
los alegres pensamientos.
Cuando ya estén florecidos,
irá lejos tu recuerdo.
Petit à petit grandiront
Les pensées de bonheur
Et lorsqu’elles fleuriront
Ton souvenir se sera éteint.
De la flor de la amapola
seré su mejor amiga.
La pondré bajo la almohada
para dormirme tranquila.
De la fleur du pavot
Je serai la meilleure amie.
Je la mettrai sous l’oreiller
Pour m’endormir en paix.
Cogollo de toronjil,
cuando me aumenten las penas,
las flores de mi jardín
han de ser mis enfermeras.
Rameau de mélisse
Si mes peines reprennent :
Les fleurs de mon jardin
Seront mes infirmières.
Y si acaso yo me ausento
antes que tú te arrepientas,
heredarás estas flores:
¡ven a curarte con ellas!
Et si je venais à partir
Avant qu’advienne ton repentir,
Tu hériterais de ces fleurs :
Viens, elles t’aideront à guérir !
Violeta Parra (1917-1967). La jardinera (1954?).
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Violeta Parra (1917-1967). La jardinière, traduit de : La jardinera (1954?) par L. & L.
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C’est à L’Escale que le tout jeune Paco Ibáñez a débuté, d’abord en complétant à la guitare le duo formé par Jesús-Rafael Soto et Carmen Requeta et formant avec eux le trio « Los Yares », puis en accompagnant Carmen Requeta seule. C’est avec elle, pour l’album Chansons d’Amérique du Sud qu’elle publie en 1963, qu’il connaît sa première expérience d’enregistrement en studio. Même après la parution de son propre premier album Poèmes de Federico Garcia Lorca et Luis de Gongora (voir le billet 2 novembre), il continue pendant plusieurs années à accompagner Carmen Requeta — renommée Carmela —, à la scène comme au disque. Chants d’Espagne et d’Amérique Latine (1969), leur dernière collaboration discographique, contient une version de La jardinera (tronquée d’un couplet).
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Carmela (Carmen Requeta) • La jardinera. Violeta Parra, paroles & musique.
Carmela, chant, tumba ; Paco Ibáñez, guitare & arrangements.
Extrait de l’album : Chants d’Espagne et d’Amérique Latine / Carmela. France, [1969?].
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