Laura Betti • La belle Léontine
La belle Léontine est une chanson méchante, qui sied à la perfection à la voix aigre de Laura Betti (1927-2004) – elle-même, paraît-il, une véritable harpie dans le civil. Les paroles originales, œuvre de l’écrivain italien Goffredo Parise (1929-1986), ont été adaptées en français par Jean Rougeul (1905-1978) – qu’on se rappelle dans le rôle de l’impayable critique de cinéma français, évoquant plus ou moins Godard (Jean-Luc), dans le prodigieux Otto e Mezzo (1963), le chef d’œuvre de Fellini (titre français : Huit et demi).
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Laura Betti (1927-2004) • La belle Léontine. Goffredo Parise, paroles ; Jean Rougeul, adaptation française ; Gianfranco Maselli, musique.
Laura Betti, chant ; Toni Lenzi, piano.
Première parution : France, 1962.
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Chez moi y a une demoiselle,
Une vraie chamelle
Américaine
La belle Léontine.
Partout elle fait l’artiste,
Décoratrice
Et pique-assiette,
La belle Léontine.
Toujours au téléphone,
Elle tourbillonne
Fait des salades,
La longue Léontine.L’autre soir elle a perdu trois dents et demie
S’est broyé quelques doigts en taxi
Elle s’est plantée sur un beau morceau d’verre
Et pour finir s’est coupé le derrière.
Avant-hier, dans une secte on l’a vue,
Un Allemand la portait toute nue
Sur la queue du piano en ébène
Un Chinois l’a rasée toute entière.Toujours très optimiste,
La Léontine,
Le ventre vide
Elle se nourrit de thunes.
À force d’aller en ville,
Elle n’a plus de semelles
Elle ne se montre
Que par un temps superbe.
C’matin elle est tombée
En bas des marches
Comme une vache.
Elle s’est fait mal sans doute.La mort la rallonge plus encore
On dirait un moulage de plâtre
Ses bas noirs à ses pieds font des pointes
Son cercueil a l’allure d’un paquebot.J’l’ai vue là-haut en rêve,
Cett’ nuit j’l’ai vue.
Y avait Saint Pierre lui-même
Qui lui bottait les fesses
Qui lui bottait les fesses…
Goffredo Parise (1929-1986). La belle Léontine, adapté de l’italien (La bella Leontine) par Jean Rougeul (1905-1978).