L’abîme
A Gulf of silence separates us from each other.
I stand at one side of the gulf – you at the other.
I cannot see you or hear you – yet know that you are there –
Often I call you by your childish name
And pretend that the echo to my crying is your voice.
How can we bridge the gulf – never by speech or touch
Once I thought we might fill it quite up with tears
Now I want to shatter it with our laughter.
Katherine Mansfield (1888-1923). The Gulf (1916).Un Abîme de silence nous sépare l’un de l’autre.
Je me tiens d’un côté de l’abîme, toi de l’autre.
Je ne peux te voir ni t’entendre, mais je sais que tu es là.
Souvent je t’appelle par ton nom d’enfant
Et prétends que l’écho à mon cri est ta voix.
Comment combler l’abîme ? Jamais par la parole ou le contact.
Autrefois je pensais que nous pourrions le remplir de larmes.
Maintenant je veux le détruire avec nos rires.
Katherine Mansfield (1888-1923). L’Abîme, traduit de The Gulf (1916) par Philippe Blanchon. Dans : Katherine Mansfield. Villa Pauline et autres poèmes, préface et traduction de Philippe Blanchon, La Nerthe, DL 2012. ISBN 978-2-916862-31-6.
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Sílvia Pérez Cruz • The sound of silence. Paul Simon, paroles & musique ; Sílvia Pérez Cruz, arrangement.
Sílvia Pérez Cruz, chant ; Alfred Artigas, guitare ; Carlos Montfort, violon ; Bori Albero, contrebasse.
Enregistrement : Buenos Aires (Argentine). Extrait de la bande originale du film La noche de 12 años (Uruguay, 2018), réalisé par Álvaro Brechner.
Espagne, ℗ 2019.
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Ce poème me plait je dois le dire ( la chanson pas du tout 🙂 ).
Je me souviens d’une citation de Pessoa que la solitude n’est pas un arbre seul dans la plaine, elle est distance entre les feuilles et les racines, entre la sève et l’écorce (la distance comme cet abîme,au fond de nous-mêmes). Apparemment la citation vienne du *Livre de intranquillité* mais dans ma traduction polonaise de ce livre elle n’existe pas, je suis curieux de savoir si vous la connaissez.
Non, je ne la connaissais pas, j’avoue. Je l’ai cherchée. Il semble qu’elle n’appartienne pas à une œuvre de Pessoa, mais elle lui est tout de même liée. Elle se trouve dans « L’année de la mort de Ricardo Reis », le roman de Saramago (1984).