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Amália Rodrigues | É da torre mais alta (1975)

3 mai 2019

Voici l’enregistrement d’Amália Rodrigues qui a fourni la matière première à Stereossauro pour son Flor de maracujá (voir le billet précédent).

Enregistré en 1975, l’année suivant la Révolution des œillets, É da torre mais alta ne sera publié qu’en 1997, dans le très bel album d’inédits intitulé Segredo. C’est une composition d’Alain Oulman sur un poème du bouillant José Carlos Ary dos Santos (1937-1984), homosexuel déclaré, adhérent du Parti communiste portugais, même sous l’ancien régime. Il n’en était pas moins un familier d’Amália, qui le recevait chez elle – comme en témoigne l’album Amália / Vinicius, enregistré lors d’une de ces soirées amicales à laquelle participaient, outre Amália et Vinicius (de Moraes), les poètes Ary dos Santos et Natália Correia.

Comme cela se produit assez fréquemment, les paroles du fado diffèrent du texte du poème original. Intitulé Retrato do povo de Lisboa (« Portrait du peuple de Lisbonne »), ce poème a paru en 1970 dans le recueil Fotos-Grafias, illustrées de photographies en noir et blanc de Nuno Calvet. Cette fois, les modifications sont assez importantes et consistent non seulement en suppressions, mais aussi en ajouts. On trouvera ci-dessous les deux versions du texte.

Il existe au moins un autre enregistrement inédit de É da torre mais alta, sur un texte probablement plus proche de l’original. Il devrait être publié cette année, dans le cadre de l’édition discographique complète d’Amália entreprise depuis plusieurs années par la maison Valentim de Carvalho.

Amália Rodrigues (1920-1999) | É da torre mais alta. José Carlos Ary dos Santos, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare. Enregistrement : 1975. Extrait de l’album Segredo / Amália Rodrigues. Portugal, 1997.

É da torre mais alta
Que eu canto este meu pranto
Que eu canto este meu sangue,
Este meu povo
Dessa torre maior
Em que apenas sou grande
Por me cantar de novo,
Por me cantar de novo.

C’est du haut de la plus haute tour
Que je chante mon sanglot,
Que je chante mon sang,
Mon peuple que voici,
Du haut de cette tour,
Le seul lieu où je suis grand,
Où je peux me chanter à nouveau
Où je peux me chanter à nouveau
Cantar como quem despe
A ganga da tristeza
Como quem bebe
A água da saudade,
Chama que nasce e cresce
E vive e morre acesa
Chama que nasce e cresce
Em plena liberdade.

Chanter comme on se dépouille
De sa gangue de tristesse
Comme on boit
L’eau de la saudade
Flamme qui naît et croît
Et vit, et meurt ardente
Flamme qui naît et croît
En pleine liberté.
Mas nunca se dói só
Quem a cantar magoa
Dói-me o Tejo vencido
Dói-me a secura
Dói-me o tempo perdido
Dói-me ele de lonjura
Dói-me o povo esquecido
E morro de ternura
Dói-me o tempo perdido
E morro de ternura.

Mais quiconque chante à s’en meurtrir
Ne souffre jamais pour soi seul
J’ai mal au Tage vaincu
J’ai mal à la sécheresse
J’ai mal au temps perdu
Je souffre qu’il soit loin de moi
J’ai mal au peuple oublié
Et je meurs de tendresse.
J’ai mal du temps perdu
Et je meurs de tendresse.

José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). É da torre mais alta, version de Retrato do povo de Lisboa (1970). José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). C’est de la tour la plus haute, traduit de : É da torre mais alta, version de Retrato do povo de Lisboa [« Portrait du peuple de Lisbonne »] (1970) par L. & L.

Retrato do povo de Lisboa (1970)

É da torre mais alta do meu pranto
que eu canto este meu sangue este meu povo.
Dessa torre maior em que apenas sou grande
por me cantar de novo.

Cantar como quem despe a ganga da tristeza
e põe a nu a espádua da saudade
chama que nasce e cresce e morre acesa
em plena liberdade.

É da voz do meu povo uma criança
seminua nas docas de Lisboa
que eu ganho a minha voz
caldo verde sem esperança
laranja de humildade
amarga lança
até que a voz me doa.

Mas nunca se dói só quem a cantar magoa
dói-me o Tejo vazio dói-me a miséria
apunhalada na garganta.

Dói-me o sangue vencido a nódoa negra
punhada no meu canto.

José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). Retrato do povo de Lisboa (1970).

………

C’est du haut de la plus haute tour de mon sanglot
Que je chante mon sang, mon peuple que voici.
Du haut de cette tour, le seul lieu où je suis grand,
Où je peux me chanter à nouveau.

Chanter comme on se dépouille de sa gangue de tristesse
Mettant à nu l’épaule de la saudade
Flamme qui naît et croît et meurt ardente
En pleine liberté.

C’est de la voix de mon peuple, un enfant
À demi nu dans les docks de Lisbonne,
Que je tire ma voix,
« caldo verde » de désespoir,
Orange d’humilité,
Amère lance,
Ma voix jusqu’à la douleur.

Mais quiconque chante à s’en meurtrir ne souffre jamais seul
J’ai mal au Tage vide, à la misère
Poignardée dans la gorge.

J’ai mal au sang vaincu, aux bleus,
Coup de poing dans mon chant.

José Carlos Ary dos Santos (1936-1984). Portrait du peuple de Lisbonne, traduit de : Retrato do povo de Lisboa (1970) par L. & L.

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