Place de la Bourse. 7
- Fait suite à : Place de la Bourse. 6
On ne sait presque rien du jeune homme ayant dit habiter 384, rue de la Lune à Montpellier. Ce qu’il écoute en ce moment dans ses oreillettes, alors qu’il marche presque silencieusement dans les rues de Toulouse et qu’il pénètre de son pas léger sur cette place de la Bourse, c’est le bruit de la mer — c’est à dire, pour ce Peul du Sénégal, cet homme atlantique : celui de l’océan, ce bruit large et constant comme un bourdonnement obstiné devant lequel enfle et décroît, enfle et décroît sans cesse, celui, plus clair, des vagues qui déferlent dans les cris des mouettes, ou leurs criailleries, ou leurs espèces de longs rires de folles (pourquoi rient-elles comme ça ?) et tous les autres sons du rivage.
On sait cependant ceci : ce jeune homme a décidé, il y a quelques semaines, de reprendre ses études et de s’inscrire à Sciences po, soit à Bordeaux, soit ici à Toulouse. Sa copine, qui est violoniste dans l’orchestre symphonique de Montpellier, l’a quitté. Elle lui a dit de ne plus revenir, que c’était plus la peine, elle s’est mise en colère. « Non mais tu te rends compte, hashtag 4-heures-et-demie-de-train-pour-aller-à-Bordeaux, hashtagueuh… 120-euros-de-train-aller-retour-toutes-les-semaines, hashtag fatigue, compte pas sur moi. » Voilà dans quels termes elle lui a parlé dans sa colère. Elle s’appelait Maelys — voyez, c’est déjà du passé quand il y pense encore — et au fond, il trouvait ce prénom-là vulgaire. Et puis, il le croit, elle n’aimait pas vraiment la musique.
— Et vous-même, lui demande-t-on, vous êtes musicien ? — Je chante, répond-il, je suis ténor.
Elle lui plaît, cette ville de Toulouse.
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