Place de la Bourse
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Toulouse, place de la Bourse.
On dira que cette histoire a commencé ici, sur cette place vide. C’est un jour de fin juillet, lumineux et très chaud, d’un été qui tourne à la canicule. Il est quatre heures de l’après-midi. La ville semble abandonnée. Les gens dorment, écrasés de torpeur. Certains boivent dans les cafés ou restent à l’intérieur des magasins, des musées, des bibliothèques et des cinémas, qui sont climatisés, ou dans les églises.
Cependant venant de chacune des cinq rues qui convergent sur la place débouchent en même temps, par un hasard ou par un autre, les personnages du récit. De la rue Temponnières, le jeune homme qui a dit habiter rue de la Lune ; de la rue Clémence-Isaure, les enfants de la femme aux cheveux verts et leurs parents ; de la rue de la Bourse, le jeune mage de Rawalpindi, regard inquiet ; de la rue Cujas, coiffée d’un vaste chapeau de paille, la dame au téléphone grenouille, usant pour se rafraîchir d’un dispositif comparable à ceux employés pour l’aspersion de produits insecticides sur les plantes, fait d’un double réservoir bombé rouge à pois noirs porté sur le dos dont émergent deux tuyaux flexibles, un rouge et un noir. Le noir est terminé par un embout duquel on déclenche à volonté l’émission d’un nuage de très fine brume pour le visage, tandis que le rouge permet d’aspirer une grenadine glacée ; de la rue Sainte-Ursule le pape (celui en fonction au moment de l’histoire) qui, profitant du creux du plein été, a cédé à son désir de revoir Toulouse où il a vécu autrefois, et plus encore de faire visiter cette ville incomparable à Ifig, son garde suisse préféré qui, en dépit de son prénom breton, est natif de Porrentruy. Alors que toute la curie croit le saint homme à Castel Gandolfo le voici, incognito, vêtu d’un pantalon de coton clair et d’un tee-shirt blanc proclamant en lettres rouges sur sa poitrine : I ♥ René Coty. Ifig, qui le dépasse d’une tête, est en short kaki et débardeur couleur ventre de grondin. Il porte un petit chapeau sur sa jolie tête aux cheveux bruns coupés presque ras, et des Ray-Ban qui sur tout autre auraient paru vulgaires.
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