La demoiselle est idiote ou elle se fait ?
. Quando por volta dos oito anos de idade resolvi dedicar-me à literatura imaginava que todos os escritores sem excepção se pareciam com Sandokan Soberano da Malásia
. (meu herói de então e agora)
. quer dizer, lindíssimos, morenos, de barba, olhos verdes e um rubi na testa a meio do turbante. O facto de ser loiro, de olho azul e sem rubi preocupava-me e cheguei a pensar em esfregar o cabelo com graxa de sapatos para escurecer as melenas: ainda experimentei na franja, fiquei igualzinho a um limpa-chaminés anão, perguntaram-me
. — O menino é parvo ou faz-se?
António Lobo Antunes. Retrato do artista quando jovem, dans : Livro de Crónicas (1998).. Quand, vers l’âge de huit ans, je résolus de me consacrer à la littérature, j’imaginais que tous les écrivains sans exception ressemblaient au souverain de Malaisie Sandokan
. (mon héros d’alors et d’aujourd’hui)
. c’est à dire très beaux, bruns, avec une barbe, des yeux verts et un turban à rubis. Le fait que je fusse blond, les yeux bleus et sans rubis me préoccupait, et je voulus frotter mes cheveux avec du cirage pour foncer mes mèches : j’essayai sur ma frange, et j’eus tout à fait l’air d’un hérisson de ramoneur, on me demanda
. — Le jeune homme est idiot ou le fait-il exprès ?
António Lobo Antunes. Portrait de l’artiste en jeune homme, traduit de : Retrato do artista quando jovem par Carlos Batista, dans : Dormir accompagné (2001). Titre original : Livro de Crónicas (1998). Christian Bourgois, impr. 2001, ISBN 2-267-01569-2, page 7.
Ce qui m’amuse c’est cette façon portugaise de s’exprimer : « on me demanda — Le jeune homme est idiot ? », transcrite telle quelle en français par le traducteur pour en conserver le sel et le caractère ironique.
En portugais, s’adresser à quelqu’un par une tournure qui donne l’impression qu’on parle de quelqu’un d’autre est une des formes du vouvoiement, la plus solennelle.
« O menino é parvo ou faz-se? ».
Un menino, c’est un jeune garçon. Utilisé comme titre de civilité, ce mot est l’équivalent masculin de Mademoiselle. « A menina é parva ou faz-se? » pourrait se traduire par : Mademoiselle est idiote ou elle fait semblant ? Seulement en portugais, pour s’adresser à la demoiselle en question avec un certain formalisme, on ne dit pas Mademoiselle, on dit La demoiselle, avec un verbe à la 3e personne : « A menina é parva ou faz-se? » Littéralement : La demoiselle est idiote ou elle se fait ? (Elle se fait idiote, c’est à dire.)
À cette question, à condition qu’elle soit posée par une femme, il peut être répondu : Sou, sim. A Senhora tem toda a razão : Oui je suis idiote, vous avez tout à fait raison. Littéralement : Je suis, oui. La Dame a toute la raison.
La Dame a toute la raison. En cet instant où la Dame me fait l’honneur de me demander si une certaine demoiselle — moi — est idiote ou quoi, je déclare que personne d’autre au monde que la Dame ne dispose de l’usage de la raison puisque c’est elle qui l’a toute — et moi, qui suis engagée dans une conversation avec la Dame, je reconnais en être privée autant que le reste du monde, peut-être même plus encore que le reste du monde.
Pour ce qui doit être envisagé du point de vue de la raison, je m’en remets donc entièrement, absolument, à la Dame.
L. & L.
Cela me rappelle ce qu’a vécu le compagnon de ma soeur, en France, dans les années 80, alors que, ayant quitté son Ile-de-France natale, ‘il était venu s’installer avec elle chez mes parents, dans le Velay. Dans la boucherie du village, il s’entendit interpeller ainsi par la bouchère : « Où il mange, celui-là ? »
Attendait-elle une réponse ? Si oui, de sa part ou des autres clients ???
Quel délice que de pouvoir comprendre ici la richesse de certains raffinements d’une langue étrangère. Les articles de ce blog sont toujours un plaisir à lire.
Ceci me rappelle pourquoi en français – merci – est un nom commun « tranquille » alors qu’en portugais il a conservé la « marque » de la conjugaison du verbe qui est à son origine, ce qui explique pourquoi il est du genre masculin ou féminin. Du moins si j’ai bien compris le petit récit de mon ami brésilien.
Oui il me semble que parmi les langues romanes seul le portugais fait usage de cette forme-là, « obligé » ou « obligée » suivant le cas.