En ruine
Les pires vacances. C’est comme ça, réellement. Déjà malade avant de partir, mais le médecin avait été consulté. C’est peut-être une gastro-entérite avait-il dit, peut-être pas ; puisque vous partez, faisons comme si c’était ça, on verra au retour sinon. J’ai pris les remèdes, consciencieusement, mais plus on allait plus j’étais mal à l’aise, parfois je ne pouvais pas manger du tout, et la nourriture n’avait pas son goût habituel. La première halte était à Pise. Il pleuvait, puis venaient des éclaircies. Il a encore plu, il a plu presque tout le temps. Il a plu, il a plu, il a plu.
À moi rien ne plaisait. Rien. Gli Italiani non mi piaccevano più. No. Tout à coup ils semblaient aussi pusillanimes que les Français, aussi amers. La vie politique italienne est encore pire que la nôtre, je crois. La Toscane ne me plaisait plus, ni Assise toujours aussi pleine de bonnes sœurs et de vaticanomanes enragés. C’était une chambre à grand lit qui était réservée, mais non, deux hommes ensemble vous n’y pensez pas. Un hôtel pourtant, pas un monastère.
À Sienne j’ai commencé à vomir mes petits déjeuners. Au vrai ce que je régurgitais c’était la Piazza del Campo, Arezzo, Gubbio, François d’Assise, ses stigmates et ses oiseaux, Giotto, Piero della Francesca, le TG Uno, Matteo Renzi, Berlusconi, la signalisation routière, la langue, enfin tout ce que l’Italie exsude d’elle-même à profusion. Je ne voulais plus de moi non plus. C’était moi que je vomissais, voilà aussi ce qui se passait.
Je rêvais d’Angleterre, je l’avoue. Il n’existe pas de signe d’une plus grande détresse. Au retour j’ai feuilleté sur le web des vues des « areas of outstanding natural beauty » (« zones de beauté naturelle exceptionnelle ») de Grande-Bretagne [Wikipedia (en)] telles que les Cotswolds, la côte du Northumberland et d’autres.
Je ne mangeais presque plus. J’avais, j’ai toujours, des envies de femme enceinte. Une obsession exclusive de poires et de limonade. Un besoin de lait ribot avec des crêpes. D’olives : de belles Lucques charnues et craquant sous la dent. Il y a trois jours j’ai trouvé dans le réfrigérateur une grosse poignée d’olives violettes : miraculeuse apparition.
Voilà la puissance dévastatrice d’un misérable parasite intestinal.
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Ingrid Caven | La la la / Jean-Jacques Schuhl, paroles ; Peer Raben, musique ; Ingrid Caven, chant ; Jay Gottlieb, piano. Extrait de l’album Chambre 1050 (1996)
il y a un an : 15 jours en Italie : jamais été si heureux.
cet année pas un jour d’arrêt: un bonheur, pire encore.
pas chercher à comprendre…ça passera
Bien sûr que ça passera. Suffit de bien prendre l’antibiotique !
Ph.
eh bien, mon pauvre Lulu, en voilà un début d’année !! tu t’es même enterré, si je comprends bien ta chanson, comme toujours quand on dégobille ! Bon, la santé surtout, comme disent les personnes « d’un certain âge » (mais c’est vrai), et le plaisir retrouvé aussi, voilà mes voeux, parce que ne plus goûter la Toscane, ça c’est terrible ! Toi qui étais si en verve à la fin de l’année, tu m’avais fait bien rire avec tes carottes bigouden !
AM
Le coupable est démasqué Anne-Marie ! Et traité à l’artillerie lourde — ce qui n’est pas sans effets collatéraux sur l’entité au sein de laquelle il a élu domicile, mais il faut ce qu’il faut. Donc tout va bien, l’amertume est en voie de dislocation.
(Tu as sûrement appris de longue date que Camané et ta Gisela adorée — enfin l’inverse — se produisent à Évry le 19.)
Bonne année à toi !!
Ph.