Cette mouette tenace
Vous penserez que c’est moi qui vous ai choisi. Moi. Vous. Vous qui êtes à chaque instant le tout de vous-même auprès de moi, cela, quoi que vous fassiez, si loin ou si près que vous soyez de mon espérance.
Vous penserez à vous, mais comme à ce mur, à cette mer qui ne s’est jamais produite encore, à ce vent et à cette mouette qui sont séparés pour la première fois, à ce chien perdu.
Vous penserez que le miracle n’est pas dans l’apparente similitude entre chaque particule de ces milliards du déferlement continu, mais dans la différence irréductible qui les sépare, qui sépare les hommes des chiens, les chiens du cinéma, le sable de la mer, Dieu de ce chien ou de cette mouette tenace face au vent, du cristal liquide de vos yeux de celui blessant des sables, de la touffeur irrespirable du hall de cet hôtel passé de l’éblouissante clarté égale de la plage, de chaque mot de chaque phrase, de chaque ligne de chaque livre, de chaque jour et de chaque siècle et de chaque éternité passée ou à venir et de vous et de moi.
Durant votre passage, il vous faudra donc croire à votre inaltérable royauté.
Vous avancerez. Vous marcherez comme vous le faites quand vous êtes seul et que vous croyez que quelqu’un vous regarde, Dieu ou moi, ou ce chien le long de la mer, ou cette mouette tragique face au vent, si seule devant l’objet atlantique.
Marguerite Duras (1914-1996). L’homme atlantique (1982). Éd. de Minuit, impr. 2008, p. 10-12.
Amália Rodrigues (1920-1999). Gaivota [Mouette] / Alexandre O’Neill, paroles ; Alain Oulman, musique ; Amália Rodrigues, chant ; instrumentistes non identifiés. Années 1970.
Se uma gaivota viesse
Trazer-me o céu de Lisboa
No desenho que fizesse,
Nesse céu onde o olhar
É uma asa que não voa,
Esmorece e cai no marSi une mouette venait
M’apporter le ciel de Lisbonne
Par ce dessin qu’elle trace
Dans ce ciel où le regard
Est une aile qui cesse de voler,
Défaille et s’abîme en merQue perfeito coração
No meu peito bateria,
Meu amor na tua mão,
Nessa mão onde cabia
Perfeito o meu coração.Alors quel cœur parfait
Battrait dans ma poitrine,
Mon amour dans ta main,
Cette main où se logerait
Si parfaitement mon cœur.Se um português marinheiro,
Dos sete mares andarilho,
Fosse quem sabe o primeiro
A contar-me o que inventasse,
Se um olhar de novo brilho
No meu olhar se enlaçasseSi un marin portugais,
Ayant vu toutes les mers du monde,
Était, qui sait, le premier
À me conter ses découvertes,
Si un regard d’un nouvel éclat
S’enlaçait à mon regardQue perfeito coração
No meu peito bateria,
Meu amor na tua mão,
Nessa mão onde cabia
Perfeito o meu coração.Alors quel cœur parfait
Battrait dans ma poitrine,
Mon amour dans ta main,
Cette main où se logerait
Si parfaitement mon cœur.Se ao dizer adeus à vida
As aves todas do céu,
Me dessem na despedida
O teu olhar derradeiro,
Esse olhar que era só teu,
Amor que foste o primeiroSi, tout près de quitter la vie
Tous les oiseaux du ciel
Me faisaient dans cet adieu
Le présent ultime de ton regard
Ce regard incomparable
De toi, amour qui fus le premierQue perfeito coração
Morreria no meu peito,
Meu amor na tua mão,
Nessa mão onde perfeito
Bateu o meu coraçãoAlors quel cœur parfait
Mourrait dans ma poitrine,
Mon amour dans ta main,
Cette main où battait
Si parfaitement mon cœur. Alexandre O’Neill (1924-1986). Gaivota.Alexandre O’Neill (1924-1986). Gaivota. Trad.L. & L.
parabéns pela tradução do poema do O’Neill, está perfeita e belíssima. sabe bem dizê-la em voz alta, de tão bonita que está.
Muito obrigado, fico honrado 🙂
Mas o original… tão límpido, tão perfeito!
Texte lumineux de Duras mais aussi brillante traduction de celui de O’Neil – moi qui ne croit pas à la traduction de la littérature et surtout à celle de la poésie – une hérésie -; mais à chaque principe son éclatante exception
Merveilleuses Fetes
Alex
Merci Alex
Joyeuses fetes, depuis Rome !