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La force de la Grèce

26 avril 2012

Mes disques sont arrivés de Grèce, je suis passé à la poste ce matin pour les chercher. Il y en a trois : les Balades de Theodorákis, qui datent de 1975, parmi lesquelles le superbe Dromoi palioi (« Rues anciennes que j’ai aimées et haïes… ») ; un autre album de Theodorákis constitué de deux recueils de chansons pour voix et piano, respectivement sur des poèmes d’Éluard et de Yánnis Rítsos, toutes chantées par Néna Venetsánou ; et un de Mános Hadjidákis qui a pour titre Στο Σείριο υπάρχουνε παιδιά (« Sur Sirius il y a des enfants »).

J’ai d’abord écouté celui de Néna Venetsánou : les dix chansons sur des poèmes d’Éluard (composées en 1958 à Paris) ressemblent à des mélodies françaises du début du siècle dernier, on les croirait écrites au retour d’un des mercredis de Madame Verdurin où auraient été données les Chansons de Bilitis, de Debussy, et quelque chose de Ravel, Les histoires naturelles mettons.

Leurs yeux toujours purs

Jours de lenteur, jours de pluie,
Jours de miroirs brisés et d’ aiguilles perdues,
Jours de paupières closes à l’horizon des mers,
D’heures toutes semblables, jours de captivité.

Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles
Et les fleurs, mon esprit est nu comme l’ amour,
L’aurore qu’il oublie lui fait baisser la tête
Et contempler son corps obéissant et vain.

Pourtant, j’ai vu les plus beaux yeux du monde,
Dieux d’argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,
De véritables dieux, des oiseaux dans la terre
Et dans l’eau, je les ai vus.

Leurs ailes sont les miennes, rien n’existe
Que leur vol qui secoue ma misère,
Leur vol d’étoile et de lumière
Leur vol de terre, leur vol de pierre
Sur les flots de leurs ailes,

Ma pensée soutenue par la vie et la mort.
Paul Éluard (1895-1952). Dans : Capitale de la douleur (1926). Source : Wikilivres

Néna Venetsánou est très bien, sa diction française presque sans faille. Il est vrai qu’elle a reçu — ici en France — l’enseignement de sa compatriote la mezzo-soprano Irma Kolassi (Ίρμα Κολάση), francophone et francophile, qui vient de mourir, très âgée.

Irma Kolassi, qui a fait travailler la jeune Maria Callas au conservatoire d’Athènes avant de s’installer définitivement à Paris, chantait la mélodie française à la perfection. Sa discographie est peu abondante, mais son enregistrement du Poème de l’amour et de la mer de Chausson — une des plus belles musiques du monde — fait autorité :

Ernest Chausson (1855-1899). Poème de l’amour et de la mer, op. 19. 3e partie, La mort de l’amour / Írma Kolássi, mezzo-soprano ; London Philharmonic Orchestra ; Louis de Froment, dir. — Enregistrement : 1955.

Le temps des lilas et le temps des roses
Ne reviendra plus à ce printemps-ci;
Le temps des lilas et le temps des roses
Est passé, le temps des œillets aussi.

Le vent a changé, les cieux sont moroses,
Et nous n’irons plus courir, et cueillir
Les lilas en fleur et les belles roses;
Le printemps est triste et ne peut fleurir.
Maurice Bouchor (1855-1929). Les poëmes de l’amour et de la mer (1876). La mort de l’amour. XXXVIII. Extrait.

Écouter ou podcaster Les greniers de la mémoire. Hommage à Irma Kolassi. Entretien réalisé par Karine Le Bail en 1998 (prod. Karine Le Bail, France Musique, 14 avril 2012).
Écouter ou podcaster Horizons chimériques. Souvenirs d’Irma Kolassi (prod. Marc Dumont, France Musique, 2 avril 2012).
Irma Kolassi sur le site de l’émission Les greniers de la mémoire (prod. Karine Le Bail, France Musique).
Irma Kolassi est morte. Qobuz, 2 avril 2012

Βενετσάνου, Νένα [Venetsánou, Néna]
Η Νένα Βενετσάνου τραγουδά Μίκη Θεοδωράκη
[I Néna Venetsánou tragoudá Míki Theodoráki]

Η Νένα Βενετσάνου τραγουδά Μίκη Θεοδωράκη [I Néna Venetsánou tragoudá Míki Theodoráki]Η Νένα Βενετσάνου τραγουδά Μίκη Θεοδωράκη : Τα Eluard ; Επιτάφιος [I Néna Venetsánou tragoudá Míki Theodoráki : Ta Eluard ; Epitáfios] / Νένα Βενετσάνου [Néna Venetsánou], chant ; Ελενα Μουζάλα [Elena Mouzála], Σαράντης Κασσάρας [Sarántis Kassáras], piano ; Μίκης Θεοδωράκης [Míkis Theodorákis], musique ; Πωλ Ελυαρ [Paul Éluard], Γιάννης Ρίτσος [Giánnis Rítsos], poèmes. — Grèce : MBI, 2008.

MBI 3301173219. — EAN 5202482732195.

4 commentaires leave one →
  1. Zanzibar permalink
    11 mai 2012 13:29

    J’ai aussi une grande admiration pour Théodorakis. Mon oeuvre favorite est « La marche de l’Esprit » que j’écoute depuis ma jeunesse. Je possède aussi un album de ses oeuvres plus  » variétés » où il a fait des musiques pour des artistes aussi diverses que Mary Hopkin, Piaf, Mouloudji ou une musique très popularisée par Dalida.
    Puisque l’on cite dans cet article : Maria Callas, un hommage à sa personne, où un duo en langue française a été repris il y a deux mois en partie en grec par un chanteur très connu dans ce pays.

    • lili-et-lulu permalink
      29 mai 2012 18:31

      Intéressante découverte ! (Je vois que la chanson est d’Adamo ?)

  2. Zanzibar permalink
    11 mai 2012 14:02

    Puisque est citée aussi dans cet article la merveilleuse chanteuse Néna Venetsanou, le jour où je l’ai découverte dans un spectacle créé par un de mes compositeurs favori le catalan Lluis Llach. Sans doute un de mes plus grand souvenirs avec une ferveur du public toute particulière.  » Un pont de mar blava ». Le spectacle peut être entièrement visionné mais ici c’est juste sa « grande » intervention.

    Il y a quelques jours elle chantait en français à Athènes, mais là je suis beaucoup moins réceptif, malgré effectivement un français remarquable. C’est le poème qui est cité ici.

    • lili-et-lulu permalink
      29 mai 2012 18:27

      Mmmmhh… c’est magnifique, merci !
      Je connais aussi un enregistrement public autour d’une autre chanteuse catalane, Maria del Mar Bonet, je me demande si elle n’est pas présente là aussi.

      Merci aussi pour le poème d’Éluard, je n’arrivais pas à trouver de vidéo pour illustrer le billet.

      Je l’ai vue une fois, Néna Venetsánou, à Arles il y a une dizaine d’années : magique.

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