Amália Rodrigues • Fui à fonte lavar os cabelos (1969)
1969 : Amália est au sommet de sa forme vocale. L’année débute par l’enregistrement, le 7 et le 8 janvier, du fameux album Com que voz, qui ne sortira qu’un an plus tard (mars 1970). S’ensuit un vertigineux programme de déplacements : Cannes, New York, Bucarest, 20 jours en Union soviétique (où elle se produit à Moscou et Léningrad puis en Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan), Paris, Athènes, Lisbonne, l’Afrique australe (Mozambique, Rhodésie et Afrique du Sud), la France à nouveau pour une tournée des Maisons de la culture,… Et dans les intervalles : des séances d’enregistrement et de travail en studio dont témoigne cette courte chanson.
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Fui à fonte lavar os cabelos. Poème de João Soares Coelho, adapté en portugais du XXe siècle par Natália Correia ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare classique.
Enregistrement de travail réalisé aux studios Valentim de Carvalho, Paço de Arcos (Portugal), en 1969.
Extrait de l’album Com que voz, nouvelle édition « remastered ». Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ et © 2019.
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Fui à fonte lavar os cabelos,
minha mãe, e gostei eu deles
e de mim, também.
À la fontaine je suis allée laver mes cheveux,
Ma mère, et je leur ai trouvé de la grâce
Et à moi aussi.
Fui à fonte as tranças lavar,
minha mãe, e das tranças pus-me eu a gostar
e de mim, também.
À la fontaine je suis allée laver mes tresses,
Ma mère, et je leur ai trouvé de la grâce
Et à moi aussi.
Lá na fonte, onde eu gostei deles,
vi o dono dos meus cabelos
e de mim, também.
À la fontaine, où je leur ai trouvé de la grâce
J’ai vu le seigneur et maître de mes cheveux
Et le mien aussi.
Lá na fonte, antes que eu partisse,
minha mãe, gostei tanto do que ele me disse
e de mim, também.
À la fontaine, avant que d’en partir
Ma mère, j’ai trouvé bien de la grâce à ce qu’il m’a dit
Et à moi aussi.
… … João Soares Coelho (vers 1220-après 1279). Fui à fonte lavar os cabelos. Adaptation en portugais moderne de Fui eu, madre, lavar meus cabelos (13e siècle), par Natália Correia.
Extrait de : Cantares dos trovadores galego-portugueses / selecção, introdução, notas e adaptação de Natália Correia. Lisboa, Estampa, 1970. Réédité en 1978 et 1998. — ISBN 972-33-0258-6 (éd. 1998).João Soares Coelho (vers 1220-après 1279). À la fontaine je suis allée laver mes cheveux, traduit de Fui à fonte lavar os cabelos (adaptation par Natália Correia en portugais moderne de Fui eu, madre, lavar meus cabelos, 13e siècle), par L. & L.
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Amália, première fadiste à s’être intéressée à la poésie érudite, n’a pas négligé les auteurs médiévaux qu’elle a chantés à plusieurs reprises.
Cet adorable Fui à fonte lavar os cabelos (« À la fontaine je suis allée laver mes cheveux »), un poème du XIIIe siècle mis en musique par Alain Oulman, a été capté en 1969 au cours d’une session de travail en studio. Resté inédit jusqu’en 2019, l’enregistrement provient d’une copie de la bande d’origine, aujourd’hui perdue. Apparemment, Fui à fonte lavar os cabelos n’a ensuite jamais été enregistré en vue d’une publication.
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Alain Oulman composait au piano. Après son emprisonnement puis son expulsion du Portugal en 1966 il s’était fixé à Paris pour y travailler comme éditeur chez Calmann-Lévy, une maison à laquelle sa mère (née Calmann-Lévy) était liée. Pour autant son activité de compositeur ne s’est pas interrompue ; il s’enregistrait chez lui, voix et piano, et faisait parvenir ces enregistrements à Amália sur des cassettes audio.
Une fois levée son interdiction de paraître au Portugal, il se rendait parfois à Lisbonne et présentait ses nouvelles œuvres à Amália de vive voix. Dans la maison de la rua São Bento, il les chantait vaille que vaille en s’accompagnant au piano en présence de la chanteuse et de ses guitaristes. Un magnétophone tournait pour en conserver une trace qui allait permettre un travail ultérieur et, éventuellement, un enregistrement en studio.
Quelques-uns de ces enregistrements de fortune, extrêmement émouvants, de surcroît très intéressants pour documenter la genèse des fados d’Alain Oulman de leur conception jusqu’à leur appropriation par Amália, ont été publiés en 2020. On peut ainsi entendre Fui à fonte lavar os cabelos chanté par son compositeur – et mesurer la distance entre ce qu’avait imaginé Oulman et ce qu’en a fait Amália par la suite :
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Alain Oulman (1928-1990) • Fui à fonte lavar os cabelos. Poème de João Soares Coelho, adapté en portugais du XXe siècle par Natália Correia ; Alain Oulman, musique.
Alain Oulman, chant & piano.
Enregistrement : [Lisbonne (Portugal), domicile d’Amália Rodrigues ?], en 1968 ou 1969. Première publication : 2020.
Extrait de l’album 1970 : ensaios / Amália [Rodrigues]. Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ 2020.
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- Voir aussi le billet : Amália Rodrigues | Fui à fonte lavar os cabelos (1969)
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