Amália • Habito o meu país
Fait suite à :
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Amália Rodrigues (1920-1999). Gostava de ser quem era, nouvelle édition augmentée, Ed. Valentim de Carvalho, 2024.
La nouvelle édition de Gostava de ser quem era comporte 48 plages, alors que l’album original de 1980 n’en comptait que dix. Des 38 en supplément, sept sont issues de captations de concert réalisées en janvier et février 1980 : il s’agissait pour Amália de reprendre contact avec la scène et le public après son accident cardiaque survenu le 20 septembre 1979. Dix-sept autres sont des enregistrements de travail de pièces qui, pour la plupart, allaient figurer sur l’album tel qu’il a été publié en 1980.
Les quatorze restantes sont des enregistrements raisonnablement aboutis, tous réalisés après l’accident cardiaque, entre décembre 1979 et avril 1980 (sauf deux datant de mars 1979) qui auraient pu être publiés mais ne l’ont pas été. Elles ne présentent pas toutes le même intérêt, mais certaines auraient assurément mérité de ne pas rester aussi longtemps inédites. Parmi celles-ci, Habito o meu país :
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Amália Rodrigues (1920-1999) • Habito o meu país. José Cutileiro , paroles ; Armandinho, musique (Fado alexandrino antigo ?).
Amália Rodrigues, chant ; José Fonte Rocha & Carlos Gonçalves, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Enregistrement : Paço d’Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 22 mars 1980.
Première publication dans la nouvelle éd. de l’album Gostava de ser quem era / Amália. Portugal, Edições Valentim de Carvalho, ℗ 2024.
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Habito o meu país. As aves e os rios.
Habito-o com raízes que me prendem à terra
Habito as casas brancas pousadas na colina
E a cidade quente aonde a tarde desce.
J’habite mon pays. Ses oiseaux et ses fleuves.
Je l’habite par des racines qui me tiennent à la terre.
J’habite les maisons blanches posées sur la colline
Et la ville chaude sur quoi le soir descend.
Aqui sofro de pé. Aqui estive sozinho
No dia em que cheguei, no dia em que parti
Aqui me lembrarás depois quando morrer
Aqui te esquecerás também de que morri.
Ici je souffre debout. Ici je me suis trouvé seul
Quand je suis arrivé et quand je suis parti.
Ici tu te souviendras de moi quand je mourrai.
Ici aussi tu oublieras que je suis mort un jour.
Por isso quando o vento do largo me arrefece
E nos ossos eu sinto os países distantes
As pernas se recusam a partir nos navios
Que demandam o mundo do poente ao levante.
Alors, quand le vent froid du large m’assaille,
Que dans mes os je sens tous les pays lointains
Mes jambes se refusent à partir sur les navires
Qui veulent tout du monde, du couchant au levant.
Sou de aqui. Como as pedras. Como o ar que respiro.
− A velha acácia seca novamente floriu –
Se me levassem hoje desta paisagem triste
D. José, a cavalo, ia afogar-se ao rio.
Je suis d’ici. Comme les pierres. Comme l’air que je respire.
− Le vieil acacia sec, voici qu’il refleurit.
Et si on m’arrachait soudain à ce paysage triste,
Dom José*, à cheval, se jetterait dans le Tage.
… … José Cutileiro (1934-2020). [Sans titre] (Habito o meu país), extrait de : O amor burguês (1959).
José Cutileiro (1934-2020). [Sans titre] (J’habite mon pays), traduit de [Sans titre] (Habito o meu país), extrait de : O amor burguês (1959), par L. & L.
* Dom José : Joseph 1er (José I), roi du Portugal de 1750 à 1777, dit « le Réformateur » (« o Reformador »). Sa statue équestre orne la Place du Commerce à Lisbonne, laquelle s’ouvre largement sur le Tage.
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Le poème est de José Cutileiro (1934-2020), anthropologue de formation, diplomate de métier, en outre journaliste et poète. Habito o meu país figure, sans titre, dans son recueil O amor burguês de 1959.
À ma connaissance, c’est le seul poème de Cutileiro qu’Amália ait jamais chanté. Son thème est en effet en résonance avec l’attachement puissant qui liait la chanteuse à son pays – mais comment l’a-t-elle découvert ? Mystère. Connaissait-elle le poète ? Le livret d’accompagnement de l’album, très pauvre, est presque vide d’informations (en dehors d’une longue interview d’Amália parue à la sortie du disque, en novembre 1980).
Quant à la musique, il est tout juste indiqué qu’elle est d’Armandinho (Armando Freire, 1891-1946, l’un des plus grands joueurs de guitare portugaise qu ‘ait connu le fado de Lisbonne). Armandinho a composé nombre de musiques de fados, auxquels les fadistes de toutes générations n’ont pas manqué de recourir. Celui utilisé par Amália est probablement un fado « alexandrino » (composé pour des alexandrins). Armandinho en a composé plusieurs. Par exemple le Fado alexandrino « antigo » :
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Armandinho (Armando Freire ; 1891-1946) • Fado alexandrino. Armandinho, musique.
Armandinho, guitare portugaise ; Georgino de Souza, guitare.
Enregistrement : Lisbonne, Teatro São Luís, 12 octobre 1928.
Royaume-Uni, His master’s voice, 1928 ou 1929.
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