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Amália Rodrigues • Havemos de ir a Viana

14 mars 2024

Amália Rodrigues (1920-1999)Havemos de ir a Viana. Pedro Homem de Mello, paroles ; Alain Oulman, musique ; José Fontes Rocha, arrangement.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 3 décembre 1968.
Première publication dans le disque 45 t Formiga bossa nossa / Amália Rodrigues. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 1969. Repris dans l’album Com que voz. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 1970.

Viana do Castelo est une petite ville portuaire de la région du Minho, tout au Nord du Portugal. Le poète Pedro Homem de Melo (1903-1984), originaire de Porto, était particulièrement attaché à cette contrée et à ses traditions, où nombre de ses œuvres puisent leur inspiration. Parmi celles chantées par Amália Rodrigues : Povo que lavas no rio, Fandangueiro, ou encore Havemos de ir a Viana (« Nous irons à Viana »), cette pétillante chanson apparue dans le fameux album Com que voz (1970), entièrement composé par Alain Oulman. Elle y prend place entre l’ample et majestueux fado Gaivota (« Mouette ») et le sombre Cuidei que tinha morrido (« J’ai cru que j’étais morte »).

Entre sombras misteriosas,
Em rompendo ao longe estrelas,
Trocaremos nossas rosas
Para depois esquecê-las.

Entourés d’ombres mystérieuses,
Tandis qu’au loin s’allument les étoiles,
Nous échangerons nos roses
Et puis nous les oublierons.
Se o meu sangue não me engana
Como engana a fantasia,
Havemos de ir a Viana,
Ó meu amor de algum dia!
Ó meu amor de algum dia,
Havemos de ir a Viana!
Se o meu sangue não me engana
Havemos de ir a Viana!

Si mon sang ne me ment pas,
Comme ment la rêverie,
Nous irons à Viana,
Un jour, ô mon amour !
Un jour, ô mon amour,
Nous irons à Viana !
Si mon sang ne me ment pas,
Nous irons à Viana !
Partamos de flor ao peito
Que o amor é como o vento:
Quem pára perde-lhe o jeito
E morre a todo o momento.

Partons la fleur aux lèvres,
Car l’amour est comme le vent :
Qui s’arrête ne repart pas
Et peut mourir à tout moment.
Ciganos, verdes ciganos,
Deixai-me com esta crença:
Os pecados têm vinte anos,
Os remorsos têm oitenta.

Gitans, ô verts gitans,
Laissez-moi croire encore
Que les péchés ont vingt ans
Et quatre-vingts les remords !

Pedro Homem de Melo (1903-1984). Havemos de ir a Viana. Pedro Homem de Melo (1903-1984). Nous irons à Viana, traduit de : Havemos de ir a Viana par L. & L.

À l’exception de trois morceaux (sur douze), Com que voz a été enregistré en deux nuits de début janvier 1969, le 7 et le 8. L’enregistrement de Havemos de ir a Viana a eu lieu un mois plus tôt, le 3 décembre 1968. Autre singularité : alors que l’album n’a été lancé que le 20 mars 1970, Havemos de ir a Viana avait fait l’objet d’une publication anticipée, en 1969, sur un disque 45 t de quatre titres où figuraient par ailleurs Formiga bossa nossa et Cravos de papel, elles aussi destinées à Com que voz, auxquelles s’ajoutait une autre chanson, Viuvinha, enregistrée en 1968.

Comme la presque totalité des titres de cet album remarquable, Havemos de ir a Viana est le résultat d’une maturation de plusieurs années. En 2010 ont été publiés deux enregistrements d’un état antérieur de cette chanson, l’un avec guitares, l’autre avec orchestre, réalisés en 1964 et restés inédits. Voici la version avec guitares :

Amália Rodrigues (1920-1999)Havemos de ir a Viana. Pedro Homem de Mello, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, 1964.
Première publication dans la nouvelle édition de l’album Com que voz. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 2010.

La différence est sensible. La mélodie des couplets n’est pas la même : elle est ici probablement conforme à la partition originale d’Alain Oulman. Par ailleurs l’accompagnement instrumental, confié à Domingos Camarinha (guitare portugaise) et Castro Mota (guitare), vieux compagnons de route d’Amália, reste assez prosaïque, loin de l’arrangement scintillant composé par José Fontes Rocha quelques années plus tard, avec ces vifs contre-chants en notes piquées à la guitare portugaise qui font le sel de la version de Com que voz.

En 2015 est apparu un nouvel élément de l’histoire de Havemos de ir a Viana sous la forme d’une captation de près de douze minutes, vraisemblablement réalisée en 1964 juste avant l’enregistrement ci-dessus, d’une séance de travail en studio avec les mêmes deux guitaristes Domingos Camarinha et Castro Mota, mais aussi Alain Oulman au piano. Amália, qui n’a probablement découvert la chanson que depuis peu, manifeste son enthousiasme à la fin du premier essai (au cours duquel elle trébuche sur le mot oitenta, ce qui la fait rire mais ne l’arrête pas). L’écoute de cette archive confirme, s’il en était besoin, que les musiques d’Alain Oulman étaient conçues intrinsèquement pour voix et piano — c’est le côté français du compositeur — et qu’il fallait le génie d’un guitariste tel que José Fontes Rocha pour faire croire à l’authenticité d’un accompagnement aux cordes pincées : Domingos Camarinha et Castro Mota se contentent de transposer pour leurs instruments respectifs la partition de piano originale.

Amália Rodrigues (1920-1999)Havemos de ir a Viana. Séance de travail. Pedro Homem de Mello, paroles ; Alain Oulman, musique.
Amália Rodrigues, chant ; Domingos Camarinha, guitare portugaise ; Castro Mota, guitare ; Alain Oulman, piano.
Enregistrement : Paço de Arcos (Portugal), studios Valentim de Carvalho, [1964?].
Première publication dans la nouvelle édition de l’album Fado português. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 2015.

Le fait est que la version de Com que voz, qui porte l’empreinte de Fontes Rocha, est incomparablement meilleure. C’est cette même version qu’Amália interprète à son domicile, le 19 décembre 1968, au cours d’une tertúlia (soirée poétique) dont l’invité d’honneur était Vinícius de Moraes et à laquelle participaient aussi les poètes Natália Correia, José Carlos Ary dos Santos et David Mourão-Ferreira. Cette soirée a été enregistrée et sa quintessence publiée en 1970 sous la forme d’un album intitulé Amália/Vinícius.

Amália Rodrigues (1920-1999)Havemos de ir a Viana. Pedro Homem de Mello, paroles ; Alain Oulman, musique ; José Fontes Rocha, arrangement.
Amália Rodrigues, chant ; José Fontes Rocha, guitare portugaise ; Pedro Leal, guitare.
Enregistré en direct au domicile d’Amália Rodrigues, rua de São Bento, Lisbonne, le 19 décembre 1968.
Extrait de l’album Amália/Vinícius. Portugal, Ed. Valentim de Carvalho, ℗ 1970.

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