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Carlos Zel • Fado Maluda

23 octobre 2023

Maluda (Maria de Lourdes Ribeiro ; 1934-1999). Lisboa XII & Lisboa XIII (1978), huile sur toile, 73 x 184 cm. Lisbonne, Centro de Arte Moderna Gulbenkian
Maluda (Maria de Lourdes Ribeiro ; 1934-1999). Lisboa XII & Lisboa XIII (1978), huile sur toile, 73 x 184 cm. Lisbonne, Centro de Arte Moderna Gulbenkian (CC BY-NC-ND 4.0).

On connaît le Fado Malhoa, chanté par Amália au début des années 1950, qui s’inspire d’une peinture connue (O Fado de José Malhoa [1855-1933]), mais rares sont les fados dont le sujet est l’œuvre d’un peintre ou d’une pictrice dans sa globalité. Il n’y a que ce Fado Maluda consacré à Maria de Lourdes Ribeiro (1934-1999) dite Maluda. D’elle, les amateurs de fado connaissent un portrait d’Amália, son amie très chère et très proche.

Née dans le territoire alors portugais de Goa, en Inde, établie ensuite au Mozambique avant de rejoindre l’Europe, formée à Lisbonne et à Paris, elle a surtout peint des paysages portugais, le plus souvent urbains, faits d’à-plats géométriques colorés — mais dans des teintes retenues de rayonner, assourdies, comme voilées d’une légère grisaille ou de pâleur ; des toits, des maisons souvent sans ouverture aucune ; nulle présence humaine ; le silence.

Carlos Zel (1950-2002)Fado Maluda. Rosa Lobato de Faria, paroles ; Carlos da Maia, musique (Fado Carlos da Maia [sextilhas]).
Carlos Zel, chant ; José Luis Nobre Costa, guitare portugaise ; Francisco Perez, Francisco Gonçalves & Jaime Santos, guitare ; Joel Pina, basse acoustique.
Extrait de l’album Fados / Carlos Zel. Portugal, ℗ 1993 (première publication).


Nasceu guardiã dos sonhos
Tem a magia nos olhos
Traz os segredos na mão
Torna Lisboa mais bela
Quando pinta uma janela
Logo se abre o coração

Gardienne des rêves elle naquit.
Ses yeux abritent la magie,
Elle porte dans sa main les secrets.
Elle rend Lisbonne plus belle
Et lorsqu’elle peint une fenêtre
Voici que s’ouvre notre cœur.

São quiosques, são telhados
E há pardais alucinados
Embriagados de Tejo
E uma cegonha perdida
Confusa, pediu guarida
Numa tela de além Tejo

Il y a des kiosques, des toits
Et des moineaux hallucinés,
Enivrés de Tage.
Il y a une cigogne perdue,
Confuse, qui demande asile
Dans une peinture de l’autre rive du Tage.

Tonalidades secretas
Azuis de prússia violetas
Ardências de chão queimado
E onde a noite principia
P’ra não morrer a magia
Poisa os pincéis, canta o fado

Tonalités secrètes,
Bleus de Prusse, violets,
Embrasements de terre brûlée
Et là où commence la nuit,
Pour ne pas mourir, la magie
Pose les pinceaux et chante le fado.
Rosa Lobato de Faria (1932-2010). Fado Maluda (1993).
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Rosa Lobato de Faria (1932-2010). Fado Maluda, trad. par L. & L. de Fado Maluda (1993).

Elle a aussi représenté des kiosques de toutes formes ; et des fenêtres, toujours fermées. En 1981, le poète Alexandre O’Neill (auteur de quelques textes pour Amália, dont Gaivota) a pris ces fenêtres inertes pour sujet de deux poèmes, publiés en 1983 sous le titre collectif de Persiana para Janela de Maluda (« Persienne pour Fenêtre de Maluda »), accompagnés d’une sérigraphie de l’artiste. Voici l’un d’eux, d’une grande perspicacité :


Esta janela já não tem enredos,
ninguém por ela espreita, ninguém espera
vê-la semicerrar, semiabrir
o olhoblíquo verde do ciúme;

Cette fenêtre n’a plus d’histoires,
À travers elle nul ne regarde, nul n’espère
La voir ouvrir ou fermer à demi
L’œil oblique et vert de la jalousie ;

nem por ela passarão as trajectórias
do suicida e do escalador.
Romeu morreu e a doce expectação
de Julieta é comprimido sono.

Elle ne verra pas passer les trajectoires
Du suicidé ou du monte-en-l’air.
Roméo est mort et la douce attente
De Juliette est un sommeil comprimé.

Sequer uns braços nus de janeleira,
hasteada brancura, nela podem
demorar o gozo dum voyeur,
que esta janela já não serve para…

Les bras nus d’une femme à sa fenêtre
Blancheur hissée, ne peuvent
Y retenir le plaisir d’un voyeur,
Car cette fenêtre ne sert plus à…

Esta janela é uma finta, é uma jogada
no xadrez de quem a pinta e assina.

Cette fenêtre est une feinte, un coup joué
Sur l’échiquier de celle qui la peint et la signe.
Alexandre O’Neill (1924-1986). Persiana para Janela de Maluda (1981).
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Alexandre O’Neill (1924-1986). Persienne pour Fenêtre de Maluda, trad. par L. & L. de Persiana para Janela de Maluda (1981).

Maluda (Maria de Lourdes Ribeiro ; 1934-1999). [Sans titre] (s.d.), sérigraphie, 48 x 39,2 cm (impression), 69,8 x 50,1 cm (feuille). Lisbonne, Centro de Arte Moderna Gulbenkian.
Maluda (Maria de Lourdes Ribeiro ; 1934-1999). [Sans titre] (s.d.), sérigraphie, 48 x 39,2 cm (impression), 69,8 x 50,1 cm (feuille). Lisbonne, Centro de Arte Moderna Gulbenkian (CC BY-NC-ND 4.0).

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