Les 100 ans de Celeste
On célèbre ces jours-ci le centenaire de la naissance de Celeste Rodrigues, née le 4 mars 1923, non à Lisbonne comme sa sœur aînée Amália, mais au Fundão, dans le centre-est du Portugal. Elle est morte à plus de 95 ans, le 1er août 2018. Une exposition lui est consacrée en ce moment au Muée du Fado, à Lisbonne.
La voici en 2008 — c’est à dire à l’âge de 85 ans —, interprétant à la Mesa de Frades, une célèbre casa de fados de Lisbonne, la fameuse Lágrima (« Larme »), l’un des grands succès de la dernière partie de la carrière d’Amália.
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Celeste Rodrigues (1923-2018) • Lágrima. Amália Rodrigues, paroles ; Carlos Gonçalves, musique.
Celeste Rodrigues, chant ; Pedro de Castro, guitare portugaise ; Marco Oliveira, guitare ; 1 basse acoustique (instrumentiste non identifié).
Captation : Lisbonne, Mesa de Frades, juin 2008.
Vidéo : Maria Antónia Mendes, 2009 (mise en ligne).
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Cheia de penas
Cheia de penas me deito
E com mais penas
Com mais penas me levanto.
J’ai le cœur en peine
Lorsque je me couche
Et plus encore
Lorsque je me lève.
No meu peito
Já me ficou no meu peito
Este jeito
O jeito de te querer tanto.
Car dans mon cœur
Dans mon cœur s’est fichée
Cette obsession
Cette obsession de toi.
Desespero
Tenho por meu desespero
Dentro de mim
Dentro de mim um castigo.
Désespoir,
Pour mon désespoir
Je porte en moi
Je porte en moi une malédiction.
Não te quero
Eu digo que não te quero
E de noite
De noite sonho contigo.
Je ne t’aime pas
Je dis que je ne t’aime pas
Mais la nuit
Mes rêves sont pleins de toi.
Se considero
Que um dia hei-de morrer
No desespero
Que tenho de te não ver
Lorsque je pense
Qu’un jour je mourrai
Dans le désespoir
De ne jamais te voir
Estendo o meu xaile
Estendo o meu xaile no chão
Estendo o meu xaile
E deixo-me adormecer.
J’étends mon châle
J’étends mon châle sur le sol
J’étends mon châle
Et j’attends le sommeil.
Se eu soubesse
Se eu soubesse que morrendo
Tu me havias
Tu me havias de chorar
Mais si j’avais
La certitude qu’à ma mort
Tu verserais
Tu verserais pour moi
Uma lágrima
Por uma lágrima
Por uma lágrima tua
Que alegria me deixaria matar.
Une larme,
Pour une larme
Pour une larme de toi
Avec quel bonheur je me laisserais tuer !
Amália Rodrigues (1920-1999). Lágrima (1983).
.Amália Rodrigues (1920-1999). Larme, trad. par L. & L. de Lágrima (1983).
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En vieillissant, la voix de Celeste est devenue grave et beaucoup plus belle. Son style de chant aussi a changé. Autrefois assez banal, il s’est transformé pour accéder sur le tard à la noblesse d’un véritable art du fado. En atteste cette splendide interprétation de Meu corpo (« Mon corps ») au cours du spectacle Cabelo branco é saudade dans lequel elle tenait compagnie à Ricardo Ribeiro (alors presque inconnu), Argentina Santos et Alcindo de Carvalho. Ce fado appartient au répertoire de Beatriz da Conceição.
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Celeste Rodrigues (1923-2018) • Meu corpo. José Carlos Ary dos Santos, paroles ; Fernando Tordo, musique.
Celeste Rodrigues, chant ; Bernardo Couto, guitare portugaise ; Diogo Clemente, guitare ; Nando Araujo, basse acoustique.
Captation : Porto, Teatro nacional São João, juillet 2005. Extrait du spectacle Cabelo branco é saudade, concept & direction Ricardo Pais, avec Argentina Santos, Celeste Rodrigues, Alcindo de Carvalho et Ricardo Ribeiro.
Vidéo : Extrait du DVD Cabelo branco é saudade. Portugal, Promo Music, ℗ 2005.
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Meu corpo é um barco sem ter porto
Tempestade no mar morto, sem ti
Meu corpo é apenas um deserto
Quando não me encontro perto de ti.Mon corps est un navire sans attache
Une tempête dans une mer morte, sans toi
Mon corps n’est rien d’autre qu’un désert
Lorsque je ne me trouve pas près de toi.
Teus olhos são memórias do desejo
São as praias que eu não vejo, em ti
Meus olhos são as lágrimas do Tejo
Onde eu fico e me revejo, sem ti.
Tes yeux sont les souvenirs du désir
Et ces plages que je ne vois pas, en toi
Mes yeux sont les larmes du Tage
Où je me tiens et me revois, sans toi.
Refrain
Quem parte de tão perto nunca leva
A saudade da partida
E as amarras de quem sofre
Quem fica é que se lembra toda a vida
Das saudades de quem parte
E dos olhos de quem morre.
Refrain
Celui qui part n’emporte pas
La douleur de la séparation
Ni les amarres de celui qui souffre
Celui qui reste porte en soi toute sa vie
Le manque de celui qui part
Et les yeux de celui qui meurt.
Não sei se o orgulho da tristeza
Nos dói mais do que a pobreza, não sei
Mas sei que estou para sempre presa
À ternura sem defesa, que eu dei.
J’ignore si l’orgueil de la tristesse
Nous fait plus mal que la pauvreté
Mais je sais que pour toujours je suis liée
À cette tendresse que j’ai donnée sans compter.
Sózinha numa cama que é só minha
Espero o teu corpo que eu tinha, só meu
Se ouvires o chorar duma criança
Ou o grito da vingança, sou eu.
Seule, dans un lit qui n’est plus qu’à moi
J’attends ton corps, que j’avais pour moi.
Si tu entends les sanglots d’un enfant
Ou un cri de vengeance, c’est moi.
Sou eu, de cabelo solto ao vento
Com olhar e pensamento, no teu
Sou eu na raíz do pensamento
Contra ti e contra o tempo, sou eu.
C’est moi, les cheveux au vent
Les yeux et la tête pleins de toi
C’est moi, à la racine de la souffrance
Contre toi et contre le temps, c’est moi.
José Carlos Ary dos Santos (1937-1984). Meu corpo.
.José Carlos Ary dos Santos (1937-1984). Mon corps, trad. par L. & L. de Meu corpo.
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